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    Parmi mes lys fanés je songe que c’est toi
    Qui me fis le plus grand chagrin d’amour, Venise !
    Tu m’as trahie autant qu’une femme et conquise
    En me prenant ma force, et mon rêve et ma foi.

    … Je ne cherche plus rien dans Venise : l’ivresse
    Des beaux palais n’est plus en moi ; le chant banal
    Des gondoliers me fait haïr le Grand Canal,
    Et je n’...

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        La voile est lente et lourde, attardée en ce port.
        Elle qui sut braver les plus fortes tempêtes,
        Et qui connaît leurs cris et leurs plaintes secrètes,
        Pour elle, le repos est pareil à la mort…

        La voile est lente et lourde, attardée en ce port…

        O le charmant péril du magnifique orage,
        De son retentissant tonnerre, de l’...

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    Vous pour qui j’écrivis, ô belles jeunes femmes !
    Vous que, seules, j’aimais, relirez-vous mes vers
    Par les futurs matins neigeant sur l’univers,
    Et par les soirs futurs de roses et de flammes ?

    Songerez-vous, parmi le désordre charmant
    De vos cheveux épars, de vos robes défaites :
    « Cette femme, à travers les sanglots et les fêtes,
    A porté...

  • Je t'aime d'être faible et câline en mes bras
    Et de chercher le sûr refuge de mes bras
    Ainsi qu'un berceau tiède où tu reposeras.

    Je t'aime d'être rousse et pareille à l'automne,
    Frêle image de la Déesse de l'automne
    Que le soleil couchant illumine et couronne.

    Je t'aime d'être lente et de marcher sans bruit
    Et de parler très bas et de haïr le...

  • Tu ne seras jamais la fiévreuse captive
    Qu'enchaîne, qu'emprisonne le lit,
    Tu ne seras jamais la compagne lascive
    Dont la chair se consume et dont le front pâlit.
    Garde ton blanc parfum qui dédaigne le faste.

    Tu ne connaîtras point les lâches abandons,
    Les sanglots partagés qui font l'âme plus vaste,
    Le doute et la faiblesse ardente des pardons
    Et...

  • Voici la nuit : je vais ensevelir mes morts,
    Mes songes, mes désirs, mes douleurs, mes remords,
    Tout le passé... je vais ensevelir mes morts.

    J'ensevelis, parmi les sombres violettes,
    Tes yeux, tes mains, ton front et tes lèvres muettes,
    Ô toi qui dors parmi les sombres violettes !

    J'emporte cet éclair dernier de ton regard...
    Dans le choc de la...

  • Ta royale jeunesse a la mélancolie
    Du Nord où le brouillard efface les couleurs,
    Tu mêles la discorde et le désir aux pleurs,
    Grave comme Hamlet, pâle comme Ophélie.

    Tu passes, dans l'éclair d'une belle folie,
    Comme elle, prodiguant les chansons et les fleurs,
    Comme lui, sous l'orgueil dérobant tes douleurs,
    Sans que la fixité de ton regard oublie...

  • C'est en vain aujourd'hui que le songe me leurre.
    Me voici face à face inexorablement
    Avec l'inévitable et terrible moment :
    Affrontant le miroir trop vrai, mon âme pleure.

    Tous les remèdes vains exaspèrent mon mal,
    Car nul ne me rendra la jeunesse ravie...
    J'ai trop porté le poids accablant de la vie
    Et sanglote aujourd'hui mon désespoir final....

  • Il me semble n'avoir plus de sexe ni d'âge,
    Tant les chagrins me sont brusquement survenus.
    Les Temps se sont tissés... Et me voici pieds nus,
    Achevant le terrible et long pèlerinage...

    Je sais que l'aube d'or ne sait que décevoir,
    Que la jeunesse a tort de suivre les chimères,
    Que les yeux ont trompé... Mes lèvres sont amères...
    Ah ! que la route...

  • Ton rire est clair, ta caresse est profonde,
    Tes froids baisers aiment le mal qu'ils font ;
    Tes yeux sont bleus comme un lotus sur l'onde,
    Et les lys d'eau sont moins purs que ton front.

    Ta forme fuit, ta démarche est fluide,
    Et tes cheveux sont de légers réseaux ;
    Ta voix ruisselle ainsi qu'un flot perfide ;
    Tes souples bras sont pareils aux roseaux...