Let the dead burry their dead

Voici la nuit : je vais ensevelir mes morts,
Mes songes, mes désirs, mes douleurs, mes remords,
Tout le passé... je vais ensevelir mes morts.

J'ensevelis, parmi les sombres violettes,
Tes yeux, tes mains, ton front et tes lèvres muettes,
Ô toi qui dors parmi les sombres violettes !

J'emporte cet éclair dernier de ton regard...
Dans le choc de la vie et le heurt du hasard,
J'emporte ainsi la paix de ton dernier regard.

Je couvrirai d'encens, de roses et de roses,
La pâle chevelure et les paupières closes
D'un amour dont l'ardeur mourut parmi les roses.

Que s'élève vers moi l'âme froide des morts,
Abolissant en moi les craintes, les remords,
Et m'apportant la paix souriante des morts !

Que j'obtienne, dans un grand lit de violettes,
Cette immuable paix d'éternités muettes
Où meurt jusqu'à l'odeur des douces violettes !

Que se reflète, au fond de mon calme regard,
Un vaste crépuscule immobile et blafard !
Que diminue enfin l'ardeur de mon regard !

Mais que j'emporte aussi le souvenir des roses,
Lorsqu'on viendra poser sur mes paupières closes
Les lotus et les lys, les roses et les roses ! ...

Collection: 
1893

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Évoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.

Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

Les parfums affaiblis et les astres décrus
Revivent dans tes mains aux pâles transparences
...