Ce n'est qu'un vent furtif que le bien de nos jours,
Qu'une fumée en l'air, un songe peu durable ;
Notre vie est un rien, à un point comparable,
Si nous considérons ce qui dure toujours.
L'homme se rend encor lui-même misérable,
Ce peu de temps duquel il abrège ses jours
Par mille passions, par mille vains discours,
Tant la sotte raison le rend...
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Roulez dans vos sentiers de flamme,
Astres, rois de l'1immensité!
Insultez, écrasez mon âme
Par votre presque éternité!
Et vous, comètes vagabondes,
Du divin océan des mondes
Débordement prodigieux,
Sortez des limites tracées,
Et révélez d'autres pensées
De celui qui pensa les cieux!
Triomphe, immortelle nature!
A qui la main pleine... -
(À Lord Byron)
Toi, dont le monde encore ignore le vrai nom,
Esprit mystérieux, mortel, ange, ou démon,
Qui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie,
J'aime de tes concerts la sauvage harmonie,
Comme j'aime le bruit de la foudre et des vents
Se mêlant dans l'orage à la voix des torrents !
La nuit est ton séjour, l'horreur est ton domaine :
L'aigle, roi des... -
Quoi ! le fils du néant a maudit l'existence !
Quoi ! tu peux m'accuser de mes propres bienfaits !
Tu peux fermer tes yeux à la magnificence
Des dons que je t'ai faits !
Tu n'étais pas encor, créature insensée,
Déjà de ton bonheur j'enfantais le dessein ;
Déjà, comme son fruit, l'éternelle pensée
Te portait dans son sein.
Oui, ton être futur... -
Venir à la clarté sans force et sans adresse,
Et n'ayant fait longtemps que dormir et manger,
Souffrir mille rigueurs d'un secours étranger
Pour quitter l'ignorance en quittant la faiblesse :
Après, servir longtemps une ingrate Maîtresse
Qu'on ne peut acquérir, qu'on ne peut obliger ;
Ou qui d'un naturel inconstant et léger,
Donne fort peu de joie et... -
Maint homme qui m'entend, lors qu'ainsi je la vante,
N'ayant oncq rien pareil en nulle autre esprouvé,
Pense, ce que j'en dis, que je l'aye trouvé,
Et croit qu'à mon plaisir ces louanges j'invente.
Mais si rien de son los en sa faveur l'augmente,
Si de mentir pour elle il m'est oncq arrivé,
Je consens que je sois de son amour privé ;
Je consens,... -
Ici, c'est un vieil homme de cent ans
qui dit, selon la chair, Flandre et le sang :
souvenez-vous-en, souvenez-vous-en,
en ouvrant son coeur de ses doigts tremblants
pour montrer à tous sa vie comme un livre,
et, dans sa joie comme en des oraisons,
tout un genre humain occupé à vivre
en ses villes pies d'hommes et d'enfants.
Or à tous... -
Voicy l'homme, ô mes yeux, quel object déplorable !
La honte, le veiller, la faute d'aliment,
Les douleurs, et le sang perdu si largement
L'ont bien tant déformé qu'il n'est plus désirable.
Ces cheveux (l'ornement de son chef vénérable)
Sanglantez, herissez, par ce couronnement,
Embrouillez dans ces joncs, servent indignement
A son test ulcéré d'une... -
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et... -
Il n'est homme en l'Univers
Qui ne me couvre de blâme,
S'il estime que mes Vers
Soyent l'image de mon Ame.
Ils appellent le blanc, blanc.
Leur langage net et franc
Fait la figue à la contrainte.
Je l'advoüe. Il est certain,
Ma plume est une putain,
Mais ma vie est une sainte.