• Il est né, j'ai perdu mon jeune bien-aimé,
    Je le tenais si bien dans mon âme enfermé,
    Il habitait mon sein, il buvait mes tendresses,
    Je le laissais jouer et tirailler mes tresses.
    À qui vais-je parler dans mon coeur à présent ?
    Il écoutait mes pleurs tomber en s'écrasant,
    Il était le printemps qui voit notre délire
    Gambader sur son herbe et qui ne peut...

  • Ma maison est assise au vent
    Dans une plaine sombre et nue
    Comme un tombeau pour un vivant
    Où s'agite ma chair menue.

    Les longs brouillards viennent frôler
    Au soir ma porte solitaire,
    Et je ne sais rien de la terre
    Que ma tristesse d'exilé.

  • Tu tettes le lait pur de mon âme sereine,
    Mon petit nourrisson qui n'as pas vu le jour,
    Et sur ses genoux blancs elle, berce la tienne
    En lui parlant tout bas de la vie au front lourd.

    Voici le lait d'esprit et le lait de tendresse,
    Voici le regard d'or qu'on jette sur les cieux ;
    Goûte près de mon coeur l'aube de la sagesse ;
    Car sur terre jamais...

  • Dans l'ombre de ce vallon
    Pointent les formes légères
    Du Rêve. Entre les bourgeons
    Et du milieu des fougères
    Émergent des fronts songeurs
    Dans leurs molles chevelures,
    Et des mamelles plus pures
    Que le calice des fleurs.

    Ô rêve, de cette écorce
    Dégage ton souple torse,
    Tes deux seins roses et blancs,
    Et laisse dans le...

  • Ô Beauté nue,
    Les oiseaux volent dans le calme
    Où la digitale remue,
    Où la fougère aux fines palmes
    Est encor d'un vert tendre au pied de l'aulne obscur.
    Une molle buée enveloppe l'azur,
    Allège les lointains, les arbres, les maisons,
    Noie à demi la ferme et le dormant gazon
    Et fait de la montagne une ombre aux lignes pures.
    Pas un souffle, pas...

  • Dans cette tasse claire où luit un cercle d'or
    J'ai versé du lait blanc pour ta lèvre vermeille.
    Comme un enfant dolent le long du corridor
    Un rayon de soleil s'étant couché sommeille.

    Vois, la mouche gourmande est plus sage que toi.
    Perchée au bord du vase où son aile se mouille,
    Avec sa trompe fine et subtile elle boit
    Tandis que le jour bleu...

  • Le coeur tremblant, la joue en feu,
    J'emporte dans mes cheveux
    Tes lèvres encore tièdes.
    Tes baisers restent suspendus
    Sur mon front et mes bras nus
    Comme des papillons humides.
    Je garde aussi ton bras d'amant,
    Autoritaire enlacement,
    Comme une ceinture à ma taille.

  • Choisis-moi, dans les joncs tressés de ta corbeille,
    Une poire d'automne ayant un goût d'abeille,
    Et dont le flanc doré, creusé jusqu'à moitié,
    Offre une voûte blanche et d'un grain régulier.
    Choisis-moi le raisin qu'une poussière voile
    Et qui semble un insecte enroulé dans sa toile.
    Garde-toi d'oublier le cassis desséché,
    La pêche qui balance un...

  • Que ton fruit de sang qui loge en mon sein
    Soit pareil, amour, à ton être humain,
    Que le petit nid ombreux qui se ferme
    Pour envelopper et mûrir le germe
    Sente remuer ta plus jeune enfance
    Comme elle le fit dans l'avant-naissance
    Au flanc maternel en un temps lointain.
    Et que ce soit toi, dans mon doux jardin,
    Ô mon bien-aimé, qui bouges,...

  • Une lente voix murmure
    Dans la verte feuillaison ;
    Est-ce un rêve ou la nature
    Qui réveille sa chanson ?
    Cette voix dolente et pure
    Glisse le long des rameaux :
    Si fondue est la mesure
    Qu'elle se perd dans les mots,
    Si douces sont les paroles
    Qu'elles meurent dans le son
    Et font sous les feuilles molles
    Un mystère de chanson....