Musique

Une lente voix murmure
Dans la verte feuillaison ;
Est-ce un rêve ou la nature
Qui réveille sa chanson ?
Cette voix dolente et pure
Glisse le long des rameaux :
Si fondue est la mesure
Qu'elle se perd dans les mots,
Si douces sont les paroles
Qu'elles meurent dans le son
Et font sous les feuilles molles
Un mystère de chanson.

Ô lente voix réveillée
Qui caresse la feuillée
Comme la brise et le vent ;
Voix profondes de la vie
Et de l'âme réunies
Qui murmurez en rêvant.
Une forme s'effaçant
Dont les gestes nus et blancs
Flottent dans l'ombre légère
Sous un rideau de fougères
Semble exhaler à demi
De ses lèvres entr'ouvertes
Un chant de silence aussi
Berceur que les branches vertes.

À peine si le murmure
De la muette chanson
Poursuit sa note et s'épure
Dans la douce feuillaison ;
Et la main passe en silence
Sur la tige d'un surgeon
Dont le rythme fin balance
Les branches de ce vallon.
Ô musique qui t'envoles
Sur les papillons glissants
Et dans la plainte du saule
Et du ruisseau caressant !

Passe, chant grêle des choses,
Coule, aile fluide qui n'ose
Peser sur l'azur pâli,
Sur les rameaux endormis ;
Efface-toi, chant de l'âme
Où se mêlent des soupirs
Dans la fuite molle et calme
Des voix qu'on ne peut saisir.

Collection: 
1905

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Pourquoi crains-tu, fille farouche
De me voir nue entre les fleurs ?
Mets une rose sur ta bouche
Et ris avec moins de rougeur.
Ne sais-tu pas comme ta robe
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Et que d'un clair regard je vois
Ta sveltesse qui se dérobe ?...

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Comme une route fraîche inconnue aux vivants ;
La mouillure de l'herbe et de la jeune sève

Répand dans l'air rêveur son haleine d'argent.
Sur les bords de ce pré le bouleau se balance
Avec le merisier profond dans ses...

Mais je suis belle d'être aimée,
Vous m'avez donné la beauté,
Jamais ma robe parfumée
Sur la feuille ainsi n'a chanté,
Jamais mon pas n'eut cette grâce
Et mes yeux ces tendres moiteurs
Qui laissent les hommes rêveurs
Et les fleurs même, quand je passe....

Beauté, dans ce vallon étends-toi blanche et nue
Et que ta chevelure alentour répandue
S'allonge sur la mousse en onduleux rameaux ;
Que l'immatérielle et pure voix de l'eau,
Mêlée au bruit léger de la brise qui pleure,
Module doucement ta plainte intérieure.
...

Je suis née au milieu du jour,
La chair tremblante et l'âme pure,
Mais ni l'homme ni la nature
N'ont entendu mon chant d'amour.

Depuis, je marche solitaire,
Pareille à ce ruisseau qui fuit
Rêveusement dans les fougères
Et mon coeur s'éloigne sans bruit...