La tasse

Dans cette tasse claire où luit un cercle d'or
J'ai versé du lait blanc pour ta lèvre vermeille.
Comme un enfant dolent le long du corridor
Un rayon de soleil s'étant couché sommeille.

Vois, la mouche gourmande est plus sage que toi.
Perchée au bord du vase où son aile se mouille,
Avec sa trompe fine et subtile elle boit
Tandis que le jour bleu dévide sa quenouille.

Ah ! si la nuit venait, comme nous aurions peur ;
La nuit fait les gros yeux avec la lune ronde
Et tous les astres blonds qui pressent leur lueur
Sur le front noir de l'ombre où l'angoisse est profonde.

Vite ! bois cette tasse avant que soit le soir ;
Le moineau de la cage aime l'eau que je verse,
La fleur du pot d'argile accueille l'arrosoir,
Comme les champs nouveaux se plaisent à l'averse.

Et surtout ne va pas avec tes doigts fripons
Déranger le niveau de la crème dormante ;
On apporte la lampe et son nimbe au plafond
Bouge comme au matin une source mouvante.

Dieu ! c'est l'ombre déjà ! Déjà le ver luisant
Répand sa goutte d'or sur la verdure moite...
Vite ! l'étoile fait les cornes en passant
Et la lune a caché le soleil dans sa boîte.

Collection: 
1905

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Pourquoi crains-tu, fille farouche
De me voir nue entre les fleurs ?
Mets une rose sur ta bouche
Et ris avec moins de rougeur.
Ne sais-tu pas comme ta robe
Est transparente autour de toi
Et que d'un clair regard je vois
Ta sveltesse qui se dérobe ?...

Jusqu'au ciel d'azur gris le pré léger s'élève
Comme une route fraîche inconnue aux vivants ;
La mouillure de l'herbe et de la jeune sève

Répand dans l'air rêveur son haleine d'argent.
Sur les bords de ce pré le bouleau se balance
Avec le merisier profond dans ses...

Mais je suis belle d'être aimée,
Vous m'avez donné la beauté,
Jamais ma robe parfumée
Sur la feuille ainsi n'a chanté,
Jamais mon pas n'eut cette grâce
Et mes yeux ces tendres moiteurs
Qui laissent les hommes rêveurs
Et les fleurs même, quand je passe....

Beauté, dans ce vallon étends-toi blanche et nue
Et que ta chevelure alentour répandue
S'allonge sur la mousse en onduleux rameaux ;
Que l'immatérielle et pure voix de l'eau,
Mêlée au bruit léger de la brise qui pleure,
Module doucement ta plainte intérieure.
...

Je suis née au milieu du jour,
La chair tremblante et l'âme pure,
Mais ni l'homme ni la nature
N'ont entendu mon chant d'amour.

Depuis, je marche solitaire,
Pareille à ce ruisseau qui fuit
Rêveusement dans les fougères
Et mon coeur s'éloigne sans bruit...