• Ô peuple de héros par la mort transformés,
    Depuis que vous voilà disparus sous la terre,
    Dans l’innombrable deuil et dans la nuit austère
    Vous êtes la clarté de l’ombre où vous dormez.

    Des grèves de la Flandre aux confins de l’Istrie,
    Où que le sol renferme et blanchisse vos os,
    Une Europe tout autre éclôt de vos tombeaux
    Et rassemble les fleurs des...

  • Les arbres ont gardé du soleil dans leurs branches.
    Voilé comme une femme, évoquant l’Autrefois,
    Le crépuscule passe en pleurant… Et mes doigts
    Suivent en frémissant la ligne de tes hanches.

    Mes doigts laborieux s’attardent aux frissons
    De...

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    Tout est mensonge : aime pourtant,
    Aime, rêve et désire encore ;
    Présente ton cœur palpitant
    A ces blessures qu’il adore.

    Tout est vanité : crois toujours,
    Aime sans fin, désire et rêve ;
    Ne reste jamais sans amours,
    Souviens-toi que la vie est brève.

    De vertu, d’art enivre-toi,
    Porte...

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    La Toussaint. Le jour froid et livide agonise.
    La pluie en lourds filets choit des cieux éplorés ;
    Et dans sa vieille tour la cloche de l’église
    Se lamente en de longs et sourds misérérés.

    Avec une clameur lugubre la mer brise ;
    De grands oiseaux plaintifs s’abattent sur les prés ;
    Les ormes du chemin, flagellés par la bise,
    Poussent vers les...

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    Or, je suppose que nous sommes,
    Madame, dans votre salon :
    On parle chiffres, rentes, sommes :
    Je suis le plus pauvre des hommes,
    J’ai dans ma bourse un seul doublon,

    Vous dis-je, tout-à-coup, sans cause.
    Cela vous fait ouvrir les yeux,
    Et vous me dites, un peu… rose ;
    « Que c’est bête, un homme qui pose
    Pour être pauvre et que c’...

  • Les trains rêvent dans la rosée, au fond des gares…
    Ils rêvent des heures, puis grincent et démarrent…
    J'aime les trains mouillés qui passent dans les champs,
    Ces longs convois de marchandises bruissant,
    Qui pour la pluie ont mis leurs lourds manteaux de bâches,
    Ou qui dorment la nuit entière dans les garages…
    Et les trains de bestiaux où beuglent mornement...

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    Sur un chemin compact, de pierraille et de cendre,
    À travers bois, taillis, fleuves, moissons et prés,
    Sous les pâles matins ou les couchants pourprés,
    Les trains quotidiens font le tour de la Flandre.

    Ils vont, fumée au vent, sur leurs deux rails déserts,
    Et chaque gare au loin leur semble être un refuge ;
    Ils ont visité Lierre, Anvers, Termonde et...

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    Quand le gel d’octobre a dépouillé les érables,
    Que le vent refroidi fait écumer les flots,
    Hache et fusil aux poings et lourd bissac au dos,
    Le trappeur disparaît sous les bois insondables.

    Dans la forêt du nord, qui frange l’horizon,
    Seul avec ses fardeaux et son vieux chien Fidèle,
    Loubier s’en va, dardant devant lui sa prunelle,
    ...

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    Le gel a flétri les rameaux
    Des érables et des ormeaux
    De nos bocages.
    Un frisson de mort a passé.
    Et le vent fauve et courroucé
    Tord les branchages

    Au creux des sillons assoupis
    On ne voit plus tomber d’épis.
    Les nids sont vides ;
    Et les tyroliens ailés
    Quittent nos climats désolés
    Pour les Florides.

    Un froid...

  • Tristesse du soir, ô toi luth sonore,
    Âme des Ténèbres, toi confident de la jeunesse,

    Tristesse vespérale, ô douleur consolante,
    Doux compagnon de ma solitude.

    Tristesse du soir, ô fraîcheur bruissante,
    Tristesse du soir, comme je te sens !

    Des lèvres enténébrées, de douceur imprégnées,
    Se sont doucement penchées vers les miennes,

    De douces...