• Il est, non loin des tièdes syrtes
    Où bleuit la mer en repos,
    Un bois d'orangers et de myrtes
    Dont n'approchent point les troupeaux.

    Là, sous l'ombre antique d'un arbre,
    Un satyre, ouvrage divin,
    Sourit dans sa gaine de marbre,
    Comme réjoui par le vin.

    Il a des oreilles aiguës
    Que dresse un frémissement prompt ;
    De jeunes...

  • Si la vierge vers toi jette sous les ramures
    Le rire par sa mère à ses lèvres appris ;
    Si, tiède dans son corps dont elle sait le prix,
    Le désir a gonflé ses formes demi-mûres ;

    Le soir, dans la forêt pleine de frais murmures,
    Si, méditant d'unir vos chairs et vos esprits,
    Vous mêlez, de sang jeune et de baisers fleuris,
    Vos lèvres, en jouant,...

  • Cette outre en peau de chèvre, ô buveur, est gonflée
    De l'esprit éloquent des vignes que Théra,
    Se tordant sur les flots, noire, déchevelée
    Étendit au puissant soleil qui les dora.

    Théra ne s'orne plus de myrtes ni d'yeuses,
    Ni de la verte absinthe agréable aux troupeaux,
    Depuis que, remplissant ses veines furieuses,
    Le feu plutonien l'agite sans...

  • Ô vous qui, dans la paix et la grâce fleuris,
    Animez et les champs et vos forêts natales,
    Enfants silencieux des races végétales,
    Beaux arbres, de rosée et de soleil nourris,

    La Volupté par qui toute race animée
    Est conçue et se dresse à la clarté du jour,
    La mère aux flancs divins de qui sortit l'Amour,
    Exhale aussi sur vous son haleine embaumée....

  • Je sais la vanité de tout désir profane.
    A peine gardons-nous de tes amours défunts,
    Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
    Y laisse d'âme et de parfums.

    Ils n'ont, les plus beaux bras, que des chaînes d'argile,
    Indolentes autour du col le plus aimé ;
    Avant d'être rompu leur doux cercle fragile
    Ne s'était pas même fermé.

    ...

  • C'est un après-midi du Nord.
    Le ciel est blanc et morne. Il neige ;
    Et l'arbre du chemin se tord
    Sous la rafale qui l'assiège.

    Depuis l'aurore, il neige à flots ;
    Tout s'efface sous la tourmente.
    A travers ses rauques sanglots
    Une cloche au loin se lamente.

    Le glas râle dans le brouillard,
    Qu'aucune lueur n'illumine...
    Voici venir...

  • Derrière deux grands boeufs ou deux lourds percherons,
    L'homme marche courbé dans le pré solitaire,
    Ses poignets musculeux rivés aux mancherons
    De la charrue ouvrant le ventre de la terre.

    Au pied d'un coteau vert noyé dans les rayons,
    Les yeux toujours fixés sur la glèbe si chère,
    Grisé du lourd parfum qu'exhale la jachère,
    Avec calme et lenteur il...

  • La nuit d'hiver étend son aile diaphane
    Sur l'immobilité morne de la savane
    Qui regarde monter, dans le recueillement,
    La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement.
    L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde
    Brille à travers les fûts de la forêt profonde.
    La rafale se tait, et les sapins glacés,
    Comme des spectres blancs, penchent leurs fronts lassés...

  • Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois.
    Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères,
    Et, faite pour chanter les gloires d'autrefois,
    Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.

    Elle a le charme exquis du timbre des Latins,
    Le séduisant brio du parler des Hellènes
    Le chaud rayonnement des émaux florentins,
    Le diaphane et frais poli des...

  • Ô nuict, heureuse nuict, plus blanche que l'aurore,
    Plus belle que le jour par son astre esclairé,
    Qui pour nous faire voir ce Christ tant desiré
    Ouvrez en même temps le ciel, la terre encore.

    Chasse loing de mon coeur ce froid, qui le devore,
    Et ces obscurs brouillas dont il est entouré,
    Afin qu'à ceste fois par tes feux espuré,
    Il coure voir son...