• Efface ce séjour, ô Dieu ! de ma paupière,
    Ou rends-le-moi semblable à celui d'autrefois,
    Quand la maison vibrait comme un grand coeur de pierre
    De tous ces coeurs joyeux qui battaient sous ses toits !

    A l'heure où la rosée au soleil s'évapore,
    Tous ces volets fermés s'ouvraient à sa chaleur,
    Pour y laisser entrer, avec la tiède aurore,
    Les nocturnes...

  • Audacieusement sise à cette hauteur,
    Cette maison proprette et d'une vigne ornée
    Est au milieu d'un tel déploiement de splendeur
    Que l'on devrait, il semble, y trouver le bonheur.
    Pourtant elle est abandonnée.

    Abandonnée, avec ces champs verts alentour !
    Vide, quand on peut voir de toutes ses fenêtres
    Des coteaux, des vallons et des coteaux toujours...

  • Ma maison est assise au vent
    Dans une plaine sombre et nue
    Comme un tombeau pour un vivant
    Où s'agite ma chair menue.

    Les longs brouillards viennent frôler
    Au soir ma porte solitaire,
    Et je ne sais rien de la terre
    Que ma tristesse d'exilé.

  • Notre maison est seule au creux de la montagne
    Où le chant d'une source appelle des roseaux,
    Où le bout de jardin plein de légumes gagne
    La roche qui nous tient dans son âpre berceau.
    Septembre laisse choir sur les molles argiles
    La pomme abandonnée aux pourceaux grassouillets.
    Nous avons dû poser des cailloux sur les tuiles ;
    Car la bise souvent s'...

  • Seule, en un coin de terre où plane la tristesse
    Et le mélancolique et vague ennui des soirs,
    La vieille maison blanche, aux grands contrevents noirs,
    Pleure-t-elle ses gens, son hôte, son hôtesse ?

    Avec sa porte close et ses carreaux en deuil
    Qui ne semblent, au loin, qu'un vaporeux décalque,
    La maison blanche et noire a l'air d'un catafalque
    ...

  • Petite maison basse, au grand chapeau pointu,
    Qui, d'hiver en hiver, semble s'être enfoncée
    Dans la terre sans fleurs, autour d'elle amassée.
    Petite maison grise, au grand chapeau pointu,
    Au lointain bleu, là-bas, dis-le-moi, que vois-tu ?

    Par les yeux clignotants de ta lucarne rousse,
    Pour voir plus clair, plus loin, tu sembles faire effort,
    Et...

  • Je veux ma maison bien ouverte,
    Bonne pour tous les miséreux.

    Je l'ouvrirai à tout venant
    Comme quelqu'un se souvenant
    D'avoir longtemps pâti dehors,
    Assailli de toutes les morts
    Refusé de toutes les portes
    Mordu de froid, rongé d'espoir

    Anéanti d'ennui vivace
    Exaspéré d'espoir tenace

    Toujours en quête de pardon
    Toujours...

  • Maison de la naissance, ô nid, doux coin du monde !
    Ô premier univers où nos pas ont tourné !
    Chambre ou ciel, dont le coeur garde la mappemonde,
    Au fond du temps je vois ton seuil abandonné.
    Je m'en irais aveugle et sans guide à ta porte,
    Toucher le berceau nu qui daigna me nourrir.
    Si je deviens âgée et faible, qu'on m'y porte !
    Je n'y pus vivre enfant, j'y...

  • Poésie ! ô trésor ! perle de la pensée !
    Les tumultes du coeur, comme ceux de la mer,
    Ne sauraient empêcher ta robe nuancée
    D'amasser les couleurs qui doivent te former.
    Mais sitôt qu'il te voit briller sur un front mâle,
    Troublé de ta lueur mystérieuse et pâle,
    Le vulgaire effrayé commence à blasphémer.

    Le pur enthousiasme est craint des faibles âmes...

  • A Eva

    Si ton coeur, gémissant du poids de notre vie,
    Se traîne et se débat comme un aigle blessé,
    Portant comme le mien, sur son aile asservie,
    Tout un monde fatal, écrasant et glacé ;
    S'il ne bat qu'en saignant par sa plaie immortelle,
    S'il ne voit plus l'amour, son étoile fidèle,
    Eclairer pour lui seul l'horizon effacé ;

    Si ton âme...