• Le soleil moribond ensanglantait les flots,
    Et le jour endormait ses suprêmes échos.
    La brise du Surouet roulait des houles lentes.
    Dans mon canot d’écorce aux courbes élégantes,
    Que Paul l’Abénaquis habile avait construit,
    Je me hâtais vers Tadoussac et vers la nuit.
    À grands coups cadencés, mon aviron de frêne
    Poussait le « Goéland » vers la rive...

  • J’errais seul, à minuit, près de la pauvre église.
    À la lueur de mon flambeau, je pouvais voir
    Les bords de l’estuaire où dansait le flot noir,
    Et le petit clocher que le temps solennise.

    Quelle nuit ! Le Surouet grondait dans les bouleaux,
    Geignait le long des murs du temple séculaire,
    Et, fraternel, entre les croix du cimetière,
    Sur les tombes sans...

  • Et le Chef m’apparut devant la vieille église.
    Un haut panache blanc ornait sa tête grise.
    Il s’approcha de moi, lent et majestueux.
    Mes sens m’ont-ils trompé, dans cette affreuse veille ?
    Non ! Il était bien là : je l’ai vu de mes yeux,
    Et sa voix d’outre-tombe a frappé mon oreille :

    ― Moi non plus, ô vivant, je ne t’ai pas compris,
    Mais je t’ai vu...

  • Un vent faible soufflait après l’âpre tempête.
    J’aperçus, en doublant le dangereux rocher,
    Deux anges qui tournaient au-dessus de ma tête ;
    Peu à peu, je les vis du canot s’approcher.

    L’un tenait son index en croix avec sa lèvre.
    Bien qu’il trahît l’ardeur d’une mystique fièvre,
    Son regard tourmenté pour l’âme était muet ;
    En vain j’y voulus lire un...

  • Fronton vertigineux dont un monde est le temple,
    C’est à l’éternité que ce cap fait songer :
    Laisse en face de lui l’heure se prolonger
    Silencieusement, ô mon âme, et contemple !

    Défiant le calcul, au sein du fleuve obscur
    Il plonge ; le miroir est digne de l’image.
    Et quand le vent s’endort au large, le nuage
    Couronne son front libre au pays de l’...

  • Quand au zénith trôna la pâle nébuleuse ;
    Quand tout devint muet sous le ciel étoilé ;
    Dans le passé fatal que le noir chagrin creuse,
    À l’œil de mon esprit quand tout se fut voilé ;
    Entre les bords abrupts du sombre défilé
    Où passaient les frissons de la brise berceuse,
    Quand tout fut recueilli, la Nuit mystérieuse,
    La Nuit, la grande Nuit sereine m’a...

  • De nouveau, la douleur envahissait mon être.
    Dès que la nuit trop brève au Levant eût pâli,
    Quand furent disparus le Silence et l’Oubli,
    J’ai senti le remords de mon passé paraître.

    De nouveau la douleur envahissait mon être.

    Sur le premier degré du grand cap Trinité,
    La mère de Jésus se dressait dans l’aurore...
    Cependant que ma voix troublait l’...

  • Ce rocher qui de Dieu montre la majesté,
    Qui dresse sur le ciel ses trois gradins énormes,
    Et verticalement divise en trois ses formes,
    Il mérite trois fois son nom de Trinité.

    Son flanc vertigineux, creusé de cicatrices
    Et plein d’âpres reliefs qu’effleure le soleil,
    Aux grimoires sacrés de l’Égypte est pareil,
    Quand l’ombre et la lumière y mêlent...

  • Les deux Caps éternels, par différentes voies,
    Vers les secrets divins élèvent la pensée.

    L’un, comme un escalier somptueux et royal,
    Offre ses trois degrés qu’une forêt touffue
    Recouvre d’un tapis velouté de sinople.

    Aussi la Trinité, par les degrés du rêve,
    Facilite au croyant l’ascension du ciel,
    Convie à la splendeur des extases divines
    L’...

  • Combien d’heures, hélas ! trop brèves, sont passées,
    Pendant que jusqu’à Dieu s’élevaient nos pensées,
    Et que, dans le repos du jour silencieux,
    J’enivrais de grandeur mon esprit et mes yeux !
    Le soleil au zénith couronnait sa carrière.
    Mon rapide aviron troubla la pureté
    De l’onde chatoyante où jouait la lumière,
    Et j’atteignis bientôt le Cap Éternité...