• Cette fontaine est froide, et son eau doux-coulante,
    A la couleur d'argent, semble parler d'Amour ;
    Un herbage mollet reverdit tout autour,
    Et les aunes font ombre à la chaleur brûlante.

    Le fueillage obeyt à Zephyr qui l'évante,
    Souspirant, amoureux, en ce plaisant séjour ;
    Le soleil clair de flame est au milieu du jour,
    Et la terre se fend de l'...

  • Un ivoire vivant, une neige animée,
    Fait que mon oeil ravi ne s'en peut retirer.
    Ô main victorieuse, apprise à bien tirer,
    Que tu m'as de beaux traits la poitrine entamée !

    Aux célestes beautés mon âme accoutumée
    Ne trouve objet que toi qui la puisse attirer,
    Et croit qu'elle te peut sans offense adorer,
    Tant elle est de ta glace à toute heure...

  • J'ai longtemps voyagé, courant toujours fortune
    Sur une mer de pleurs, à l'abandon des flots
    De mille ardents soupirs et de mille sanglots,
    Demeurant quinze mois sans voir soleil ni lune.

    Je réclamais en vain la faveur de Neptune
    Et des astres jumeaux, sourds à tous mes propos,
    Car les vents dépités, combattant sans repos,
    Avaient juré ma mort...

  • Ceux qui liront ces vers qu'en pleurant j'ay chantez,
    Non pour gloire ou plaisir, ains forcé du martire,
    Voyans par quels destroits Amour m'a sçeu conduire,
    Sages à mes dépens, fuiront ses cruautez.

    Quels esprits malheureux, nuict et jour tourmentez,
    Souffrent un mal si grand que le mien ne soit pire ?
    Il ne se peut penser, comment le veux-je dire,
    Ou...

  • Solitaire et pensif, dans un bois écarté,
    Bien loin du populaire et de la tourbe épaisse,
    Je veux bâtir un temple à ma fière déesse,
    Pour apprendre mes voeux à sa divinité.

    Là, de jour et de nuit, par moi sera chanté
    Le pouvoir de ses yeux, sa gloire et sa hautesse,
    Et, dévot, son beau nom j'invoquerai sans cesse,
    Quand je serai pressé de quelque...

  • C'était un jour d'été de rayons éclairci,
    J'en ai toujours au coeur la souvenance empreinte,
    Quand le ciel nous lia d'une si ferme étreinte
    Que la mort ne saurait nous séparer d'ainsi.

    L'an était en sa force et notre amour aussi,
    Nous faisions l'un à l'autre une aimable complainte,
    J'étais jaloux de vous, de moi vous aviez crainte,
    Mais rien qu'...

  • S'il est vrai que le ciel ait sa course éternelle,
    Que l'air soit inconstant, la mer sans fermeté,
    Que la terre en hiver ne ressemble à l'été,
    Et que pour varier la nature soit belle ;

    S'il est vrai que l'esprit d'origine immortelle,
    Cherchant toujours d'apprendre, aime la nouveauté,
    Et si même le corps, pour durer en santé,
    Change avec les...

  • Durant les grand's chaleurs, j'ai vu cent mille fois
    Qu'en voyant un éclair flamboyer en la nue,
    Soudain comme transie et morte devenue,
    Tu perdais tout à coup la parole et la voix.

    De pouls ni de couleur tant soit peu tu n'avais,
    Et bien que de l'effroi tu fusses revenue,
    Si n'osais-tu pourtant dresser en haut la vue,
    Voire, un long temps après,...

  • Vous n'aimez rien que vous, de vous-même maîtresse,
    Toute perfection en vous seule admirant,
    En vous votre désir commence et va mourant,
    Et l'amour seulement pour vous-même vous blesse.

    Franche et libre de soin, votre belle jeunesse
    D'un oeil cruel et beau mainte flamme tirant,
    Brûle cent mille esprits qui votre aide implorant
    N'éprouvent que fierté,...

  • Autour des corps, qu'une mort avancée
    Par violance a privez d'un beau jour,
    Les ombres vont, et font maint et maint tour,
    Aimans encor leur dépoüille laissée.

    Au lieu cruel, où j'eu l'ame blessée
    Et fu meurtri par les flèches d'Amour,
    J'erre, je tourne et retourne à l'entour,
    Ombre maudite, errante et dechassée.

    Legers esprits, plus que...