O pasteurs ! Hespérus à l’Occident s’allume ;
II faut tenter la cime & les feux de la brume !
Un bois plutonien couronne ce rocher,
Et je veux, aux lueurs des astres, y marcher !
Ma pensée habita les chênes de Dodone ;
La lourde clef du Rêve à ma ceinture sonne...

Enseveli dans l’herbe verte
Sur la lisière d’un grand bois,
Je recueille, l’oreille ouverte,
Tous les chants et toutes les voix.

Tandis que dans un ciel d’opale
Le soleil rouge disparaît ;
Souvent je penche mon front pâle
Vers le sol noir de la forêt....

Le chêne au tronc géant, à l’épaisse ramure,
Plonge dans le granit son pivot monstrueux ;
Et le vivant réseau de sa rugueuse armure
Déconcerte l’effort des vents impétueux.
Deux siècles, trois peut-être et même plus encore,
Pèsent, sans l’incliner, sur son front...

Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ?
Les voilà, roidissant leurs vénérables troncs
Qui des vents boréens ont lassé les colères,
Eux, les arbres, longs murs de héros séculaires
Durcis aux noirs assauts des hivers meurtriers,
Inexpugnable bloc d’immobiles...

Poet: Léon Dierx