• Quand Vénus au reflet d’opale
    Brillera de loin sur nos fronts,
    Quand viendra l’heure, nous irons,
    Comme au hasard, dans le soir pâle.

    Je marcherai dans les sillons,
    Tu t’en viendras par la prairie ;
    Moi, sous un vol impur qui crie,
    Toi, sous l’essaim des papillons.

    Tu suivras le sentier qui chante
    Au crépuscule doucement ;
    Je...

  • Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ?
    Les voilà, roidissant leurs vénérables troncs
    Qui des vents boréens ont lassé les colères,
    Eux, les arbres, longs murs de héros séculaires
    Durcis aux noirs assauts des hivers meurtriers,
    Inexpugnable bloc d’immobiles guerriers
    Qui sous le choc prochain des rafales nocturnes
    Pour un instant se font tout...

  • J’étais un naufragé qui malgré lui surnage.
    Sur une mer de nacre errant comme deux sœurs,
    Deux îles m’ont offert leurs abris caresseurs ;
    En deux yeux verdoyants j’ai vu ma double image.

    Loin des vieux continents par l’angoisse habités,
    J’ai vécu tout un soir dans deux mouvantes îles ;
    Tout près des ports fleuris de deux chastes asiles,
    En deux...

  • Un frémissement fier passe à travers les bois !

    Sous la tiède clarté de la nuit pacifique
    Le vieux peuple debout, dont les chênes sont rois,
    Enfle son âme au vent de leur âme stoïque.

    Et le siècle, le jour, l’heure, l’instant, le mois,
    Unissent tout à coup dans un arome unique
    Mille aromes au loin répandus à la fois.

    Le peuple fraternel aux...

  • Bien des astres pareils aux foyers palpitants,
    Peut-être les plus beaux que chaque soir allume,
    Dardent un jeune éclat jusque dans notre brume,
    Qui sont des soleils morts, perdus depuis longtemps.

    Ceints des tourbillons nés de leurs flammes fécondes,
    Ils ont si loin de nous accompli leurs destins
    Que la lumière encor de ces globes éteints
    N’a pas...

  • Sous un souffle qu’emplit l’aube des premiers temps
    S’évapore la terre aux verdures nouvelles ;
    L’arbre enivré s’incline aux bords des clairs étangs ;
    Et les feuilles au ciel battent comme des ailes
    Dans l’âme fraîche du printemps.

    Sur l’herbe où la rosée a trempé leurs pieds...

  • La coupe où sans regret tu versas l’affreux vin
    Reste la coupe d’or d’un échanson divin !

    La nuit qui scintillait quand nous nous séparâmes
    Reste l’ombre étoilée où montaient nos deux âmes !

    La fleur qui mourra loin de tes profonds cheveux
    Reste l’œillet béni qui servait les aveux !

    Le vent qui passe et prend le baiser qu’on oublie
    Reste le messager...

  • Éclosion des jeunes âmes !
    Bien d’autres rêves ont peuplé
    Mon cœur, madame, et l’ont gonflé,
    Depuis qu’enfants nous nous croisâmes.
    Amour naïf vite envolé !
    Meurt-elle en nous la rêverie
    Qui berçait les cœurs enfantins ?
    Non, je revois l’île fleurie,
    Les varangues et les jardins.
    Bien séparés sont nos destins !
    Mais jeune fille...