• Tu vivais tant ! Toujours dans le bois qui t’invite,
    Et jamais fatigué, haïssant de t’asseoir,
    On avait tant de peine à t’endormir le soir,
    Et ton sommeil d’oiseau se réveillait si vite !

    Tes nuits s’inquiétaient d’une haleine de l’air,
    Comme un canot tressaille encore dans la crique ;
    Chargé de vie hélas ! ton repos électrique
    Laissait à tes yeux...

  • Prends le sac, Mendiant. Longtemps tu cajolas
    — Ce vice te manquait — le songe d’être avare ?
    N’enfouis pas ton or pour qu’il te sonne un glas.

    Évoque de l’Enfer un péché plus bizarre.
    Tu peux ensanglanter les sales horizons
    Par une aile de Rêve, ô mauvaise fanfare !

    Au treillis apaisant les barreaux de prisons,
    Sur l’azur enfantin d’une chère...

  • J’ai perdu la forêt, la plaine
    Et les frais avrils d’autrefois.
    — Donne tes lèvres ! leur haleine,
    Ce sera le souffle des bois !

    J’ai perdu l’Océan morose,
    Son deuil, ses vagues, ses échos.
    — Dis-moi n’importe quelle chose,
    Ce sera la rumeur des flots !

    Sans repos, sans ombre amicale,
    Front lourd, sous le soleil, je fuis…
    — Oh !...

  • Quand l’auteur du seul poëme,
    Le soir du sixième jour,
    Ayant tout fait, fit l’amour,
    Il s’en admira lui-même !

    Il se dit : « Non ! c’est trop beau !
    Alors, pour le ciel que faire ?
    Si je mets cela sur terre,
    Que mettre dans le tombeau ? »

    Il voulut donc nous reprendre
    Ce grand amour près duquel
    Toutes les flammes du ciel
    Ne...

  • Je ne suis pas celui qui s’éprend des fontaines,
    Des sables d’or, des lacs, des lueurs incertaines
    Que l’aurore répand sur les bois, — et mon cœur
    Ne s’éparpille pas dans les notes du chœur
    Qu’avec ses fleurs, ses eaux et ses firmaments chante
    La nature brutale, ironique et méchante.
    Car l’esprit n’est pas là. L’univers cache Dieu,
    Le décor ne dit rien...

  • O Vénus de Milo ! ma chère statuette,
    Seul reste d’un amour comme toi mutilé,
    Mon cœur, mon pauvre cœur, qui souffre et qui regrette,
    En ces strophes t’adresse un soupir désolé ;

    Je crois que tu dois bien comprendre ma tristesse,
    O chef-d’œuvre incomplet ! — comme tout ici-bas. —
    Où puis-je mieux pleurer, poëte sans maîtresse,
    Que sur le sein meurtri...

  • « Vers la terre où bientôt les citrons vont mûrir,
    » Vers l’ombre que versait la maison regrettée,
    » Vers les sentiers perdus de la grotte enchantée,
    » Il nous faut fuir, mon père, ou bien je vais mourir. »
    Ainsi chantait Mignon, lasse de trop souffrir.
    Ainsi chante mon âme, et la pauvre attristée
    Me dit, les yeux en pleurs, de sa voix tourmentée :
    « ...

  • Las de l’amer repos où ma paresse offense
    Une gloire pour qui jadis j’ai fui l’enfance
    Adorable des bois de roses sous l’azur
    Naturel ! et plus las sept fois du pacte dur
    De creuser par veillée une fosse nouvelle
    Dans le terrain avare et froid de ma cervelle,
    Fossoyeur sans pitié pour la stérilité,
    — Que dire à cette Aurore, ô Rêves, visité
    Par...

  • De l’horrible penser, suis-je un moment vainqueur,
    L’espoir de tous côtés, rentre à flots dans mon cœur.
    Alors les beaux projets, les fêtes de famille,
    Les lectures, les jeux, le soir sous la charmille,
    Les déjeuners au bois, avec quelques voisins,
    Dont les enfants, porteurs d’un panier de raisins,
    Vont, par l’anse d’osier, le suspendre à la selle
    D’un...

  • L’heure a sonné : j’ai vu s’enfuir la charmeresse
    Qui couronne l’amour et chante les vingt ans,
    Qui suspend des rayons à ses cheveux flottants,
    Et qui m’a dit adieu pour dernière caresse.

    J’ai suivi trop souvent la pâle chasseresse
    Sous les pampres brûlés, dans les bois irritants.
    Les folles passions ont dévoré mon temps,
    Cher temps perdu ! Regrets d’...