• Un soir, au temps du sombre équinoxe d'automne
    Où la mer forcenée et redoublant d'assauts
    Se cambre et bat d'un lourd bélier le roc qui tonne,
    Nous étions dans un lieu qui domine les eaux.

    Heure trouble, entre l'ombre et le jour indécise !
    La faux du vent sifflait dans les joncs épineux.
    A mes pieds, sur la terre humide et nue assise
    Tu...

  • Le tiède après-midi paisible de septembre
    Languit sous un ciel gris, mélancolique et tendre,
    Pareil aux derniers jours d'un amour qui s'achève.
    Après les longs et vains et douloureux voyages,
    Le solitaire, ouvrant sans bruit la grille basse,
    Rentre ce soir dans le logis de sa jeunesse.

    Ah ! comme tout est lourd, comme tout sent l'automne !
    Comme...

  • Ah ! ce bruit affreux de la vie !
    Et que dormir serait meilleur
    Dans la terre où le caillou crie
    Sous la bêche du fossoyeur !

    Le soleil a toute ma haine ;
    Je suis rassasié de voir
    Sa lumière quotidienne
    Se rire de mon désespoir.

    Ah ! pouvoir donc enfin m'étendre
    Dans le seul lit où l'on soit seul,
    Et dans l'ombre attentive...

  • Aie une âme hautaine et sonore et subtile,
    Tais-toi, mure ton seuil, car la lutte déprave ;
    Forge en sceptre l'or lourd et roux de tes entraves,
    Ferme ton coeur à la rumeur soûle des villes ;

    Entends parmi le son des flûtes puériles
    Se rapprocher le pas profond des choses graves ;
    Hors la cité des rois repus, tueurs d'esclaves,
    Sache une île...

  • Je vais mourir, je vais bientôt mourir ; qu'on ouvre
    La croisée et que j'aie un rayon de soleil
    Sur mon lit et la ronde endormeuse des mouches ;
    Que tout le jour sourie à mon dernier sommeil ;
    Qu'on me couvre de fleurs, que l'air frais du matin
    M'apporte encor les clairs effluves du jardin
    Où mon frère aux cheveux dorés creuse le sable.
    Je vais mourir...

  • Le temps n'a point pâli ta souveraine image :
    Telle qu'un jour d'été, jadis, tu m'apparus,
    Debout, battant du linge au bord d'un sarcophage,
    Je te revois, fille aux bras nus.

    C'est dans une prairie où la chaleur frissonne,
    Où, comme un brasier vert, l'herbe s'incline au vent.
    Un platane robuste à la belle couronne
    T'abrite du soleil brûlant.
    ...

  • J'ai croisé sur la route où je vais dans la vie
    La Mort qui cheminait avec la Volupté,
    L'une pour arme ayant sa faux inassouvie,
    L'autre, sa nudité.

    Voyageur qui se traîne, ivre de lassitude,
    Cherchant en vain des yeux une borne où s'asseoir,
    Je me trouvais alors dans une solitude
    Aux approches du soir.

    Tout à coup, comme à l'heure où...

  • Je t'apporte, buisson de roses funéraires,
    Ces vers, à toi déjà lointaine et presque morte,
    Ô douloureuse enfant qui passes dans mes rêves ;
    Moi qui t'ai vue heureuse et belle, je t'apporte
    Ces vers, comme un bouquet de lys sur ta beauté.
    Tu sus trop tôt que l'homme est âprement mauvais,
    Et le sel de la vie à ta bouche est resté.
    Ton sourire autrefois...

  • Le soir léger, avec sa brume claire et bleue,
    Meurt comme un mot d'amour aux lèvres de l'été,
    Comme l'humide et chaud sourire heureux des veuves
    Qui rêvent dans leur chair d'anciennes voluptés.
    La ville, pacifique et lointaine, s'est tue.
    Dans le jardin pensif où descend le repos
    Frissonne avec un frais murmure un épi d'eau
    Dont la tige se rompt...

  • J'écris ; entre mon rêve et toi la lampe chante.
    Nous écoutons, muets encor de volupté,
    Voleter un phalène aveugle dans la chambre.
    Ton visage pensif est rose de clarté.

    Tu caresses les doigts que je te laisse et songes :
    " Si vraiment il m'aimait ce soir, écrirait-il ? "
    Tu soupires, tes mains tressaillent, et tes cils
    Palpitent sous tes yeux en...