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    Lorsque j’ai travaillé, pensif, sur mon pupitre
    Tout le jour, sans voir même éclater à la vitre
    Le rayon tiède et clair du soleil automnal,
    Je m’arrache parfois à mon logis banal
    Et, tout entier au rêve ardent qui m’accompagne,
    Je m’en vais lentement le soir vers la campagne.

    Le faubourg est bruyant par où je dois passer :
    Au fond des...

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    À Madame Mireille Garcin de Maynard.

    Savoir qu’on sera lu par les yeux doux des femmes
    Et qu’elles presseront, pendant les soirs d’hiver,
    Votre livre imprégné d’un rayon tiède et clair
    Qui venant droit du cœur ira droit vers les âmes.

    Et savoir qu’au contact de vos vers pleins de flammes
    Un frisson sensuel glissera sur leur...

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    L’absence ni le temps ne sont quand on aime
    MUSSET

    L’absence ni le temps ! Et cependant c’était ―
    Nous le sentions déjà ― c’était la fin du songe ;
    Mais sans nous avouer que le beau vers mentait
    Nous nous laissions charmer par cet heureux mensonge.

    L’absence, mort vivante ! Oh ! la pire des morts !
    Être mort l’un pour l’autre...

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    Puisque l’Ennui suprême a plissé tous les fronts,
    Puisque rien d’héroïque et rien d’incorruptible
    N’est plus resté debout au-dessus des affronts
    Et que l’Idéal meurt, le front sur une bible,

    Puisque sont morts aussi les dieux qu’on écoutait
    Quand les vents de la Grèce apportaient leurs oracles,
    Puisque Jésus lui-même en son ciel bleu se tait
    ...

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    Mignonne au front pudique et tendre,
    Nous nous aimons d’un amour pur,
    Et dés longtemps, triste à t’attendre,
    J’entrevoyais tes yeux d’azur.

    Comme une étoile lente A naître
    Qu’un pâtre attend sur des sommets,
    Tu m’éclairais sans me connaître,
    Sans te connaître je t’aimais.

    Aussi quand je t’ai rencontrée,
    Charmante, avec ton air...

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    Oh ! l’insipidité des rendez-vous maussades
    Qu’on se donne, en hiver, dans un faubourg lointain,
    Aux fins d’après-midi, lorsque entre les façades
    De rares coins de ciel sont couleur de l’étain.

    La femme qu’on attend dans la boue et la pluie,
    On sent bien que pour elle on a guère d’amour
    Et qu’elle est tout au plus dans l’âme qui s’ennuie
    La...

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    Loin des villes, des quais, des marchands et des grèves,
    Mon vaisseau revenu des plus lointains climats,
    Pour que rien ne se mêle aux songes de ses mâts,
    S’isole dans la mer qui respecte ses rêves.

    Aucune cargaison n’en a rempli les bords,
    Il n’a jamais connu le feu des abordages
    Et met tout son orgueil à laisser ses cordages
    Reposer sur le...

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    I

    Les réverbères un à un vont s’allumant,
    Comme les étoiles
    Ou des cires autour d’un poêle.

    Et la ville s’endort pensivement…
    Plus une cloche ne tinte ;
    Toutes les lampes sont éteintes ;
    Elles, elles étaient les sœurs des réverbères,
    Sœurs heureuses, que du tulle ornemente !
    Eux sont leurs tristes frères
    Pour qui la Destinée...

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    À F. Le Play.

    Les hommes autrefois avaient des foyers stables ;
    On gardait la maison où sa mère mourait ;
    Et, quand d’autres enfants naissaient, on se serrait
    Moins à l’aise, mais plus unis, aux mêmes tables.

    Les meubles très anciens étaient de vieux amis :
    Les fauteuils allongés et les chaises massives
    Où jadis...

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    Vivre comme en exil, vivre sans voir personne
    Dans l’immense abandon d’une ville qui meurt,
    Où jamais l’on n’entend que la vague rumeur
    D’un orgue qui sanglote ou du Beffroi qui sonne.

    Se sentir éloigné des âmes, des cerveaux
    Et de tout ce qui porte au front un diadème ;
    Et, sans rien éclairer, se consumer soi-même
    Tel qu’une lampe vaine au...