• Au printemps, c'est dans les bois nus
    Qu'un jour nous nous sommes connus.

    Les bourgeons poussaient vapeur verte.
    L'amour fut une découverte.

    Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
    De rêveurs nous devînmes gais.

    Sous la glycine et le cytise,
    Tous deux seuls, que faut-il qu'on dise ?

    Nous n'aurions rien dit, réséda,
    Sans ton...

  • C'est l'hiver. Le charbon de terre
    Flambe en ma chambre solitaire.

    La neige tombe sur les toits.
    Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids !

    Même sillage aux cheminées
    Qu'en ses tresses disséminées.

    Au bal, chacun jette, poli,
    Les mots féroces de l'oubli,

    L'eau qui chantait s'est prise en glace,
    Amour, quel ennui te...

  • Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize,
    Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
    Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse
    Sur l'âme et sur le front de toute humanité ;

    Hommes extasiés et grands dans la tourmente,
    Vous dont les coeurs sautaient d'amour sous les haillons,
    Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante,
    Pour les...

  • Le salon s'ouvre sur le parc
    Où les grands arbres, d'un vert sombre,
    Unissent leurs rameaux en arc
    Sur les gazons qu'ils baignent d'ombre.

    Si je me retourne soudain
    Dans le fauteuil où j'ai pris place,
    Je revois encor le jardin
    Qui se reflète dans la glace ;

    Et je goûte l'amusement
    D'avoir, à gauche comme à droite,
    Deux parcs...

  • (Et nox facta est, I)

    Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme.

    Il n'avait pas encor pu saisir une cime,
    Ni lever une fois son front démesuré.
    Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume, effaré,
    Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
    Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
    Il tombait foudroyé, morne, silencieux,...

  • Henri quatre
    Voulait se battre
    Henri trois
    Ne voulait pas
    Henri deux
    Se moquait d'eux
    Henri un
    Ne disait rien.

  • Contre ceux qui font passer leurs
    libelles diffamatoires sous
    le nom d'autruy.


    Beaux Esprits du Pont-neuf, Insectes de Parnasse,
    Dont les productions, aussi froides que glace,
    Font naistre la tristesse au lieu de divertir,
    Vous verray-je toûjours à mes dépens mentir ?
    Et mon nom, supposé dans vos oeuvres de bale,
    Me sera-t'il toûjours...

  • Les aveugles et violeurs
    Pour ôter aux gens leurs douleurs
    Chantent toujours belles chansons ;
    Et toutefois par chants et sons
    Ils ne peuvent chasser les leurs.

    Ce qu'ils chantent en leurs malheurs,
    Ils aiment mieux que les couleurs
    Ou moins qu'enfants longues leçons,
    Les aveugles.

    En chantant ils pensent ailleurs,
    Mêmement...

  • Ô trois et quatre fois malheureuse la terre
    Dont le prince ne voit que par les yeux d'autrui,
    N'entend que par ceux-là qui répondent pour lui,
    Aveugle, sourd et muet plus que n'est une pierre !

    Tels sont ceux-là, Seigneur, qu'aujourd'hui l'on resserre
    Oisifs dedans leur chambre, ainsi qu'en un étui,
    Pour durer plus longtemps, et ne sentir l'ennui
    Que...