•  
    SOUS les rideaux blancs des aubes pâlies.
    Fragile berceau de nos lendemains,
    L’An nouveau qui naît porte dans ses mains
    Avec nos plaisirs nos mélancolies.

    De frimas l’hiver trama la candeur
    Des plis dont le voile errant le protège ;
    Ses premières fleurs sont des fleurs de neige
    Qui meurent d’un souffle et n’ont pas d’odeur.

    Que nous...

  •  
    Les grands chênes, pareils à de sombres amants,
    Tordent dans l’air leurs bras où pend leur chevelure,
    Et, debout sous le vent, ont la sinistre allure
    Des mornes désespoirs et des accablements.

    Comme un prince très vieux dont la tête vacille
    Sous le poids des longs jours, le bouleau maigre et blanc,
    Haut et d’argent vêtu, se dresse somnolent
    ...

  •  
    À FEYEN PERRIN

    CELLE qui tord au vent sa lourde chevelure
    Où le rouge soleil a laissé sa brûlure,
    Avant que de descendre aux gouffres de la mer,
    C’est Astarté, la fille implacable de l’onde,
    L’immortelle Beauté qui torture le monde,
    Dont la lèvre, en douleurs comme en plaisirs féconde
    A gardé pour nos pleurs le sel du flot amer...

  •  
    Comme au front monstrueux d'une bête géante
    Des yeux, des yeux sans nombre, effroyables, hagards,
    Les Astres, dans la nue impassible et béante,
    Versent leurs rayons d'or pareils à des regards.

    Des haines, des amours, tout ce qui fut le monde,
    Vibrent dans ces regards obstinés et vainqueurs ;
    Et la bête, sans doute, a broyé bien des cœurs,
    Pour...

  •  
    DANS l’air plein de clameurs méchantes,
    De sanglots et de bruits moqueurs,
    Pour chasser l’angoisse des cœurs,
    Passe le refrain que tu chantes.

    Le refrain plaintif où tu dis
    La fuite des heures aimées
    Et combien sont vite fermées
    Les portes d’or du paradis !

    Le chant dont la douceur étonne
    L’oiseau muet sous le buisson,
    La...

  •  
    C’est l’âme des aïeux que vers l’azur clément
    Les grands arbres des bois élèvent lentement,
    Debout dans leur vieillesse héroïque et superbe ;
    Nos morts, nos jeunes morts, à nous, dorment sous l’herbe.

    Quelque broussaille, à peine, aux feuillages penchés,
    Jette un rameau vivant sur les premiers couchés
    Et rend à nos regards, à l’air sacré qui passe,...

  •  
    J’AIME tes yeux, j’aime ton front,
    O ma rebelle, ô ma farouche,
    J’aime tes yeux, j’aime ta bouche
    Où mes baisers s’épuiseront.

    J’aime ta voix, j’aime l’étrange
    Grâce de tout ce que tu dis,
    O ma rebelle, ô mon cher ange,
    Mon enfer et mon paradis !

    J’aime tout ce qui le fait belle,
    De tes pieds jusqu’à tes cheveux,
    O toi vers...

  •  
    DANS la forêt que l’hiver navre
    J’allais silencieux et seul ;
    La lèvre était comme un cadavre
    Où la neige jette un linceul.

    Les dernières feuilles froissées
    Couraient sur le sol sans gazons
    Et, sur le deuil de mes pensées.
    Planait le deuil des horizons.

    Les grands arbres jaunes de mousse
    Pleuraient sur les lis défleuris.
    La...

  •  
    DANS le vol tremblant de l’heure
    Que nul ne peut retenir
    Passe lentement et pleure
    La chanson du souvenir.

    Et quand sa course l’emporte
    Plus loin que ne vont nos yeux,
    Plus d’une voix longtemps morte
    Murmure encor des adieux.

    Ainsi chaque heure envolée
    Du nid fragile des jours
    Nous fait plus inconsolée
    La perte de nos...

  •  
    À B. MARCEL

    CE n’est pas sur nos maux que la Mer se lamente ;
    Ne berçons plus nos cœurs à la plainte des flots,
    Car nous ne rendrons pas à l’immortelle amante
    Celui que dans l’air vide appellent ses sanglots.

    Ariadne, à Naxos, n’attend plus de Thésée ;
    Les sœurs de Prométhée ont fui le roc amer,
    Les temps sont abolis et la...