• Mon âme est ce lac même où le soleil qui penche,
    Par un beau soir d'automne, envoie un feu mourant :
    Le flot frissonne à peine, et pas une aile blanche,
    Pas une rame au loin n'y joue en l'effleurant.

    Tout dort, tout est tranquille, et le cristal limpide,
    En se refroidissant à l'air glacé des nuits,
    Sans écho, sans soupir, sans un pli qui le ride,
    Semble...

  • Sous un berceau de fleurs, un bel enfant repose
    Dans les bras maternels, - deux ivoires polis.
    Vermeil, demi-penché, l'on dirait d'une rose
    Qu'un souffle de printemps incline entre deux lis.

    Déroulée en anneaux, sa chevelure est blonde
    Comme un bouquet d'épis aux mains du moissonneur.
    Bleus comme les lotus qui se mirent dans l'onde,
    Ses yeux en ont...

  • ...La châtelaine en sa molle indolence,
    De ses pensers suivait le cours changeant
    Et se taisait. Dans la lampe d'argent,
    Qui se balance à la haute solive,
    Se consumait le doux jus de l'olive ;
    De ses contours ciselés avec art
    Quelques rayons échappés au hasard
    Vont effleurer le ciel, où se déploie
    L'azur mouvant des courtines de soie ;
    Les...

  • Ô toi dont l'oeil est noir, les tresses noires, les chairs
    blondes, écoute-moi, ô ma folâtre louve !

    J'aime tes yeux fantasques, tes yeux qui se retroussent
    sur les tempes ; j'aime ta bouche rouge comme une baie
    de sorbier, tes joues rondes et jaunes ; j'aime tes pieds
    tors, ta gorge roide, tes grands ongles lancéolés, brillants comme
    des valves de nacre...

  • Ta robe, ô hareng, c'est la palette des soleils couchants,
    la patine du vieux cuivre, le ton d'or bruni des cuirs de
    Cordoue, les teintes de santal et de safran des feuillages
    d'automne !

    Ta tête, ô hareng, flamboie comme un casque d'or, et l'on
    dirait de tes yeux des clous noirs plantés dans des cercles
    de cuivre !

    Toutes les nuances tristes...

  • Des croquis de concert et de bals de barrière ;
    La reine Marguerite, un camaïeu pourpré ;
    Des naïades d'égout au sourire éploré,
    Noyant leur long ennui dans des pintes de bière ;

    Des cabarets brodés de pampre et de lierre ;
    Le poète Villon, dans un cachot, prostré ;
    Ma tant douce tourmente, un hareng mordoré,
    L'amour d'un paysan et d'une...

  • La nuit était venue, la lune émergeait de l'horizon, étalant
    sur le pavé bleu du ciel sa robe couleur soufre. J'étais
    assis près de ma bien-aimée, oh ! bien près ! Je serrais ses
    mains, j'aspirais la tiède senteur de son cou, le souffle
    enivrant de sa bouche, je me serrais contre son épaule,
    j'avais envie de pleurer ; l'extase me tenait palpitant,
    éperdu, mon...

  • Oh ! Votre voix sonnait brève, lente ou pressée,
    Suivant les passions et les rhythmes divers,
    Puis, s'échappant soudain légère et cadencée,
    Sautait, comme un oiseau, sur les branches du vers !

    Moi - j'écoutais - perdu dans de lointains concerts,
    Ma pauvre poésie à vos lèvres bercée :
    Heureux de voir glisser mon âme et ma pensée
    Dans votre souffle ardent...

  • À mon ami Alfred Foulongne.

    Hao ! Hao ! c'est le barbier
    Qui secoue au vent sa sonnette !
    Il porte au dos, dans un panier,
    Ses rasoirs et sa savonnette.

    Le nez camard, les yeux troussés,
    Un sarrau bleu, des souliers jaunes,
    Il trotte, et fend les flots pressés
    Des vieux bonzes, quêteurs d'aumônes.

    Au bruit de son bassin de fer,...

  • La fleur Ing-wha, petite et pourtant des plus belles,
    N'ouvre qu'à Ching-tu-fu son calice odorant ;
    Et l'oiseau Tung-whang-fung est tout juste assez grand
    Pour couvrir cette fleur en tendant ses deux ailes.

    Et l'oiseau dit sa peine à la fleur qui sourit,
    Et la fleur est de pourpre, et l'oiseau lui ressemble,
    Et l'on ne sait pas trop, quand on les voit...