Le hareng saur

Ta robe, ô hareng, c'est la palette des soleils couchants,
la patine du vieux cuivre, le ton d'or bruni des cuirs de
Cordoue, les teintes de santal et de safran des feuillages
d'automne !

Ta tête, ô hareng, flamboie comme un casque d'or, et l'on
dirait de tes yeux des clous noirs plantés dans des cercles
de cuivre !

Toutes les nuances tristes et mornes, toutes les nuances
rayonnantes et gaies amortissent et illuminent tour à tour
ta robe d'écailles.

A côté des bitumes, des terres de Judée et de Cassel, des
ombres brûlées et des verts de Scheele, des bruns Van Dyck
et des bronzes florentins, des teintes de rouille et de
feuille morte, resplendissent, de tout leur éclat, les ors
verdis, les ambres jaunes, les orpins, les ocres de rhu,
les chromes, les oranges de mars !

Ô miroitant et terne enfumé, quand je contemple ta cotte de
mailles, je pense aux tableaux de Rembrandt, je revois
ses têtes superbes, ses chairs ensoleillées, ses scintil-
lements de bijoux sur le velours noir ; je revois ses jets
de lumière dans la nuit, ses traînées de poudre d'or dans
l'ombre, ses éclosions de soleils sous les noirs arceaux !

Collection: 
1878

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    la patine du vieux cuivre, le ton d'or bruni des cuirs de
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    d'automne !

    Ta tête, ô hareng, flamboie comme un casque d'or, et l'on
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