• Un long silence pend de l’immobile nue.
    La neige, bossuant ses plis amoncelés.
    Linceul rigide, étreint les océans gelés.
    La face de la terre est absolument nue.

    Point de villes, dont l’âge a rompu les étais,
    Qui s’effondrent par blocs confus que mord le lierre.
    Des lieux où tournoyait l’active fourmilière
    Pas un débris qui parle et qui dise : J’étais...

  • Les poëtes chinois, épris des anciens rites,
    Ainsi que Li-Tai-Pé, quand il faisait des vers,
    Placent sur leur pupitre un pot de marguerites
    Dans leurs disques montrant l’or de leurs cœurs ouverts.

    La vue et le parfum de ces fleurs favorites,
    Mieux que les pêchers blancs et que les saules verts,
    Inspirent aux lettrés, dans les formes prescrites,
    Sur un...

  • O fille de Palma ! Violente adorée,
    Poëme que Titien jusqu’à sa mort chanta,
    Œuvre folle des Dieux par le soleil dorée
    Comme un pampre lascif qu’arrose la Brenta !

    Fleur de la volupté, splendide Violante,
    Ton nom vient agiter le corps avant le cœur,
    Tu soulèves l’amour sur ta lèvre brûlante,
    Où les pâles désirs s’abattent tout en chœur.

    O fille...

  • La Reine Nicosis, portant des pierreries,
    A pour parure un calme et merveilleux concert
    D’étoffes, où l’éclair d’un flot d’astres se perd
    Dans les lacs de lumière et les flammes fleuries.

    Son vêtement tremblant chargé d’orfévreries
    Est fait d’un tissu rare et sur la pourpre ouvert,
    Où l’or éblouissant, tour à tour rouge et vert,
    Sert de fond...

  • Timide, il me souvient qu’un jour je l’ai menée
    Sur la terrasse haute au splendide coup d’œil,
    Où jadis un château gothique sous l’orgueil
    De ses tours a tenu la plaine dominée.

    C’était en juin, le mois le plus doux de l’année,
    Le soir de la Saint-Jean… Les étoiles, au seuil
    Du ciel bleu, surgissaient pâles et comme en deuil,
    La plaine de grands feux...

  • Silencieux, les poings aux dents, le dos ployé,
    Enveloppé du noir manteau de ses deux ailes,
    Sur un pic hérissé de neiges éternelles,
    Une nuit, s’arrêta l’antique Foudroyé.

    La terre prolongeait en bas, immense et sombre,
    Les continents battus par la houle des mers ;
    Au-dessus flamboyait le ciel plein d’univers ;
    Mais lui ne regardait que l’abîme de l...

  • Au tintement de l’eau dans les porphyres roux
    Les rosiers de l’Iran mêlent leurs frais murmures,
    Et les ramiers rêveurs leurs roucoulements doux.
    Tandis que l’oiseau grêle et le frêlon jaloux,
    Sifflant et bourdonnant, mordent les figues mûres,
    Les rosiers de l’Iran mêlent leurs frais murmures
    Au tintement de l’eau dans les porphyres roux.

    Sous les...

  • La pensée a des jours ineffablement calmes,
    Où la gloire effraierait comme un vice ; où les palmes,
    Où les bravos, où tout appareil de grandeur
    Déconcertent le goût et blessent la pudeur.
    On vit, on est content de vivre ! Les plans vastes
    Sont bien loin ! On est las de chercher des contrastes :
    Et l’on accorde au cœur trop longtemps tourmenté
    Les...

  • Au fond du parc, dans une ombre indécise,
    Il est un banc solitaire et moussu
    Où l’on croit voir la Rêverie assise,
    Triste et songeant à quelque amour déçu.
    Le Souvenir dans les arbres murmure,
    Se racontant les bonheurs expiés ;
    Et comme un pleur, de la grêle ramure
    Une...

  • Pour la première fois, voyant la mer à Bône,
    Un Bédouin du désert, venu d’El-Kantara,
    Comparait cet azur à l’immensité jaune
    Que piquent de points blancs Tuggurt et Biskara,

    Et disait, étonné, devant l’humide plaine :
    « Cet espace sans borne, est-ce un Sahara bleu,
    Plongé, comme l’on fait d’un vêtement de laine,
    Dans la cuve du ciel par un teinturier...