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    À Jules Bailly.

    I

    C’étaient vraiment des gens heureux. Ils étaient trois :
    Le père, adroit maçon parmi les plus adroits ;
    La mère, brave femme à peu prés du même âge,
    Qui travaillait en ville et soignait son ménage ;
    Enfin, pour compléter ce doux intérieur,
    Un garçon, un unique enfant frais et rieur,
    Que la...

  • Par une rue étroite, au cœur du vieux Paris,
    Au milieu des passants, du tumulte et des cris,
    La tête dans le ciel et le pied dans la fange,
    Cheminait à pas lents une figure étrange :
    C’était un grand vieillard, sévèrement drapé,
    Noble et sainte misère, en son manteau râpé.
    Son œil d’aigle, son front argenté vers les tempes,
    Rappelaient les fiertés des...

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    Pierre, je t’ai vu naître et de ta jeune gloire
    J’aimerais à fêter les lauriers radieux.
    D’où vient donc ton silence et quelle est l’humeur noire
    Qui fait plier ton aile et te ferme les cieux ?

    Je la connais ; je sais qu’une triste chimère
    A toujours assombri ton âme. La Vertu
    Que tu voulais chanter dans ton désir austère
    A mis son doigt glacé...

  • LA SAINT-PIERRE

    Les poils luisants, les crins lavés,

    Dès le matin, les chevaux plaquent
    Leurs sabots lourds, parmi les flaques

    Du vieux pavé.

    ...
  • Et des bouches d’argent et des regards de pierre
    Taisent immensément le glacial mystère
    De ce minuit, dallé d’ennui.

    En des cirques d’éther et d’or, seules et seules,
    Les constellations tournent comme les meules
    De ce minuit, dallé d’ennui

    Des monuments silencieux et des étages
    Se devinent, par au-delà des grands nuages
    De ce minuit, dallé d’...

  • Ton Église, Seigneur, est le vaisseau sur mer,
    Tu es le vrai pilote, et provident et sage ;
    La foi en est le mât, charité le cordage,
    Et l'ancre un saint espoir, qui nous vient animer.

    Les pasteurs, matelots, ne cessent de ramer,
    Le monde est cette mer toute enflée d'orage,
    Les erreurs sont les vents, la tempête, et la rage,
    Et semble qu'elle soit...

  • A Catulle Mendès.

    Sur ce couvercle de tombeau
    Elle dort. L'obscur artiste
    Qui l'a sculptée a vu le beau
    Sans rien de triste.

    Joignant les mains, les yeux heureux
    Sous le voile des paupières,
    Elle a des rêves amoureux
    Dans ses prières.

    Sous les plis lourds du vêtement,
    La chair apparaît rebelle,
    N'oubliant pas complètement...

  • C'était une belle brune
    Filant au clair de la lune,
    Qui laissa choir son fuseau
    Sur le bord d'une fontaine,
    Mais courant après sa laine
    Plongea la tête dans l'eau,

    Et se noya la pauvrette
    Car à sa voix trop faiblette
    Nul son désastre sentit,
    Puis assez loin ses compagnes
    Parmi les vertes campagnes
    Gardaient leur troupeau...

  • A la France.

    Oyseau qui de garde fidelle
    Dessillé fais la sentinelle
    Sous le silence de la nuit,
    Réveillant d'une voix hardie
    La troupe de somme engourdie
    Et de paresse, à ton haut bruit.

    Oyseau à la creste pourprée
    Compagnon de l'Aube dorée,
    Trompete des feux du Soleil,
    Qui te perches à la mesme heure
    Qu'il plonge en mer sa...

  • Qu'est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anathèmes
    Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins ?
    Comme un tyran gorgé de viande et de vins,
    Il s'endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.

    Les sanglots des martyrs et des suppliciés
    Sont une symphonie enivrante sans doute,
    Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
    Les cieux ne s'en sont...