• Viens dans le parc nocturne où dorment les fontaines,
    Mon amour ! Ne crains pas ce qu’on voit dans la nuit,
    Et ne frissonne plus parce qu’un vent fortuit
    A troublé la forêt sous ses voûtes lointaines.

    Laisse-moi te mener. Dans les miennes tes mains
    Sont un fardeau plus doux que des fleurs ou des ailes.
    Ecoute, les taillis sont pleins de souffles frêles....

  •  
    En casques de cristal azur, les baladines,
    Dont les pas mesurés aux cordes des kinnors
    Tintent sous les tissus de tulle roidis d’ors,
    Exultent de leurs yeux pâles de paladines.

    Toisons fauves sur leurs lèvres incarnadines,
    Bras lourds de bracelets barbares, en essors
    Tentants vers la lueur lunaire des décors,
    Elles murmurent en malveillantes...

  •  
    C’est la pluie, comme un frais pardon,
    Sur la route qui poudroie au soleil,
    Et parmi les jardins de ce printemps vermeil,
    C’est le tintement clair des gouttes qui font
    Des ronds dans l’eau glauque des citernes.

    Sur les collines les nuages roses cernent
    Amoureusement le léger horizon
    Comme des lèvres humides d’anges.

    Et le passant chante...

  • A l’heure du réveil des sèves
    L’Amour, d’un geste las,
    Sème les rimes et les rêves
    Parmi les lis et les lilas.

    La brise, sœur des hirondelles,
    Déferle son essor,
    Et frôle de mille coups d’ailes
    Les corolles d’azur et d’or.

    Amour, pour...

  • Par le jardin royal, en l’arôme des roses,
    La Princesse aux yeux pers, sœur nubile des fleurs,
    Erre en pleurs au vouloir de ses rêves moroses :

    Les mille et mille voix du triomphal matin
    Lui murmurent l’amour, et le soleil sommeille
    En ses cheveux épars sur son col enfantin.

    Un jet d’eau dont la gerbe en perles d’or ruisselle
    Parmi les boulingrins...

  • Foi

     
    Voici s’endormir les heures brèves
    Qui frissonnent de froid et de peur.
    La meute invisible de nos rêves
    Poursuit la lune dont la lueur
    Emeut l’âme de l’eau sur les grèves
    Et fait crier l’amour dans mon cœur.

    Je me trouve au tournant de la route,
    Les yeux cherchant ce qu’on ne voit pas,
    Les mains folles comme lorsqu’on doute,
    Les...

  • La blême lune allume en la mare qui luit
    Miroir des gloires d’or, un émoi d’incendie.
    Tout dort. Seul, à mi-mort, un rossignol de nuit
    Module en mal d’amour sa molle mélodie.

    Plus ne vibrent les vents en le mystère vert
    Des ramures. La lune a tû leurs voix nocturnes :
    Mais à travers le deuil du feuillage entr’ouvert
    Pleuvent les bleus baisers des...

  • Mon cœur, ô ma Chimère, est une cathédrale
    Où mes chastes pensers, idolâtres du Beau,
    S’en viennent à minuit sous la flamme lustrale
    Râler leur requiem au pied de ton tombeau.

    J’ai dressé sous le ciel du dôme un sarcophage
    Dont la grave épitaphe en strophes de granit
    Proclamera de l’aube à l’ombre et d’âge en âge
    L’amen et l’hosanna de notre amour...

  •  
    O l’ineffable horreur des étés somnolents
    Où les lilas au long des jardins s’alanguissent
    Et les zéphyrs, soupirs de sistres indolents,
    Sur les fleurs de rubis et d’émeraude glissent !

    Car les vieilles amours s’éveillent sous les fleurs,
    Et les vieux souvenirs, sous le vent qui circule,
    Soulèvent leurs soupirs, échos vagues des pleurs
    De la...

  • C’est la Ville malade et lasse comme une mère,
    Qui dort d’un lourd sommeil au bord d’un fleuve de mort.
    Tant de ses fils, jadis, casqués d’ailes de chimère,
    Sont partis, poings crispés à leur bannière éphémère,
    Qu’elle a peur, ce soir-ci, des souvenirs du sort.

    Aussi dort-elle...