Adagio

Viens dans le parc nocturne où dorment les fontaines,
Mon amour ! Ne crains pas ce qu’on voit dans la nuit,
Et ne frissonne plus parce qu’un vent fortuit
A troublé la forêt sous ses voûtes lointaines.

Laisse-moi te mener. Dans les miennes tes mains
Sont un fardeau plus doux que des fleurs ou des ailes.
Ecoute, les taillis sont pleins de souffles frêles.
On dirait que des dieux marchent par les chemins.

Amour, c’en est fini des pleurs et des désastres !
La vie au point du jour va chanter dans les nids.
Attendons le soleil, et, l’un à l’autre unis,
Recueillons dans nos cœurs la promesse des astres.

Dans les bassins la lune est morte. Parle bas
Pour entendre, en passant par le sentier des saules,
Le bruissement obscur des feuilles que tu frôles.
Puis retenons, pour un baiser furtif, nos pas.

Pourquoi donc ai-je envie à la fois de sourire
Comme si je baisais le cœur chaud d’une fleur,
Et d’éclater en pleurs à cause d’un bonheur
Si divin que je sais à peine te le dire ?

Tes mains ! tes mains ! tes mains ! Qu’elles soient à jamais
Miennes. Et quand enfin les clartés incertaines
De l’aurore auront lui sur l’eau de ces fontaines
Et ces bois où s’attarde encore un vent mauvais,

Sueur, tu les dresseras triomphantes et fortes,
Levant le lourd fardeau des miennes, vers le jour,
Et nous saurons enfin le nom de notre amour,
Le mot secret qui fait s’ouvrir toutes les portes !

Collection: 
1909

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