Refrains mélancoliques

 
O l’ineffable horreur des étés somnolents
Où les lilas au long des jardins s’alanguissent
Et les zéphyrs, soupirs de sistres indolents,
Sur les fleurs de rubis et d’émeraude glissent !

Car les vieilles amours s’éveillent sous les fleurs,
Et les vieux souvenirs, sous le vent qui circule,
Soulèvent leurs soupirs, échos vagues des pleurs
De la mer qui murmure en le lent crépuscule.

 
Ô l’indicible effroi des somnolents hivers
Où les neiges aux cieux s’en vont comme des rêves
Et les houles roulant dans les brouillards amers
Ululent en mourant, le soir, au long des grèves.

Car les vieilles amours s’engouffrent sous leurs flots
Et les vieux souvenirs râlant sous la rafale
Dans la nuit qui s’emplit de sonores sanglots
Se laissent étrangler par la Mort triomphale.

 
J’ai demandé la mort aux étés somnolents

Où les lilas au long des jardins s’alanguissent
Et les zéphyrs, soupirs de sistres indolents,
Sur les fleurs de rubis et d’émeraude glissent.

Mais oh ! les revoici, les mêmes avenirs !
Les étés ont relui sur la terre ravie,
Et les vieilles amours et les vieux souvenirs
De nouveau, pleins d’horreur, sont venus à la vie.

 
J’ai demandé la vie aux somnolents hivers
Où les neiges aux cieux s’en vont comme des rêves
Et les houles roulant dans les brouillards amers
Ululent en mourant, le soir, au long des grèves !

Mais j’ai vu revenir les mêmes avenirs.
Les hivers ont neigé sur le sein de la terre,
Et les vieilles amours et les vieux souvenirs
De nouveau, fous d’effroi, sont morts dans le mystère.

Toujours vivre et mourir, revivre et remourir.
N’est-il pas de Néant très pur qui nous délivre !
Mourir et vivre, ô Temps, remourir et revivre :
Jusqu’aux soleils éteints nous faudra-t-il souffrir !

Collection: 
1887

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