• Je sais la vanité de tout désir profane.
    A peine gardons-nous de tes amours défunts,
    Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
    Y laisse d'âme et de parfums.

    Ils n'ont, les plus beaux bras, que des chaînes d'argile,
    Indolentes autour du col le plus aimé ;
    Avant d'être rompu leur doux cercle fragile
    Ne s'était pas même fermé.

    ...

  • C'est un après-midi du Nord.
    Le ciel est blanc et morne. Il neige ;
    Et l'arbre du chemin se tord
    Sous la rafale qui l'assiège.

    Depuis l'aurore, il neige à flots ;
    Tout s'efface sous la tourmente.
    A travers ses rauques sanglots
    Une cloche au loin se lamente.

    Le glas râle dans le brouillard,
    Qu'aucune lueur n'illumine...
    Voici venir...

  • Derrière deux grands boeufs ou deux lourds percherons,
    L'homme marche courbé dans le pré solitaire,
    Ses poignets musculeux rivés aux mancherons
    De la charrue ouvrant le ventre de la terre.

    Au pied d'un coteau vert noyé dans les rayons,
    Les yeux toujours fixés sur la glèbe si chère,
    Grisé du lourd parfum qu'exhale la jachère,
    Avec calme et lenteur il...

  • La nuit d'hiver étend son aile diaphane
    Sur l'immobilité morne de la savane
    Qui regarde monter, dans le recueillement,
    La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement.
    L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde
    Brille à travers les fûts de la forêt profonde.
    La rafale se tait, et les sapins glacés,
    Comme des spectres blancs, penchent leurs fronts lassés...

  • Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois.
    Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères,
    Et, faite pour chanter les gloires d'autrefois,
    Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.

    Elle a le charme exquis du timbre des Latins,
    Le séduisant brio du parler des Hellènes
    Le chaud rayonnement des émaux florentins,
    Le diaphane et frais poli des...

  • Ô nuict, heureuse nuict, plus blanche que l'aurore,
    Plus belle que le jour par son astre esclairé,
    Qui pour nous faire voir ce Christ tant desiré
    Ouvrez en même temps le ciel, la terre encore.

    Chasse loing de mon coeur ce froid, qui le devore,
    Et ces obscurs brouillas dont il est entouré,
    Afin qu'à ceste fois par tes feux espuré,
    Il coure voir son...

  • Il estoit bien seant que ce corps veritable,
    Qui fut le vestement du grand verbe incarné
    Fust conceu d'un pur sang sainctement façonné
    D'une qui ne se vist d'aucun peché coulpable.

    Il estoit bien seant, qu'à ce saint corps mourable
    Mort en fin pour ceux là pour lesquels il fut né
    Par un juste, et sainct homme un tombeau fut donné,
    Neuf et net qui ne...

  • Quelles obscuritez, quels importuns nuages
    Vont de mon ame, helas, le jour obscurcissant !
    Son Soleil n'y luit plus, et le teint palissant
    De la lune n'y rend que frayeur, et qu'ombrages.

    Il ne luy suffit pas qu'ell' ait perdu tels gaiges
    De l'amour de son Dieu qui la va delaissant,
    De son oeil chassieux le trait s'afoiblissant
    D'un tel aveuglement...

  • Ce n'est pas sans raison, que l'homme on accompare
    A l'arbre renversé, dont la racine en haut
    La cyme tend en bas, puisque tousjours il faut
    Qu'il ait son centre au Ciel, qu'il ait son Dieu pour phare.

    Comme de son tresor vit le coeur de l'avare,
    Et de tous autres biens rien du tout ne luy chaut,
    Ainsi l'homme chrestien né pour franchir ce saut
    ...

  • Le Phenix ja chargé de chair, et de vieillesse
    Amoureux d'une mort, qui meure de plaisir,
    Vole aux montz les plus hauts pour mill' odeurs choisi
    Don en apres son lict, du lict sa tombe il dresse.

    Là de douceur, il meurt, ains que sa mort le presse,
    Et faisant de sa cendre, un vermillon jaillir,
    Ses plumes il reprend, et son premier desir
    D'estendre...