• Dans Vérone, la belle et l’antique guerrière,
    Il est de grands tombeaux, où, tout bardés de fer,
    Muets, et les deux mains jointes pour la prière,
    Sur leurs écus sculptés gisent les Scaliger.

    Rigidement serrés dans leur robe de pierre,
    Sur leur front fatigué par l’outrage de l’air
    Et des siècles nombreux, sous leur morte paupière,
    Ils gardent un reflet...

  • Quand le Titan roula des voûtes immortelles,
    Foudroyé par le bras du Kronide irrité,
    Les pleurs ne mouillaient point ses farouches prunelles.
    Il se sentait vaincu, mais toujours indompté.

    Sous l’ongle du vautour à ses flancs incrusté,
    Il amassait en lui les douleurs fraternelles,
    Et gardait sur son front, meurtri de grands coups d’ailes,
    L’espoir de...

  • La lune sur le Nil, splendide et ronde, luit.
    Et voici que s’émeut la nécropole antique
    Où chaque roi, gardant la pose hiératique,
    Gît sous la bandelette et le funèbre enduit.

    Tel qu’aux jours de Rhamsès, innombrable et sans bruit,
    Tout...

  •  
    À Félicien Rops.

    Enlace moi plus fort ! que mon désir soit tel,
    Qu’il prête à nos baisers une ivresse sublime !
    Que ton sein soit le gouffre où le remords s’abîme ;
    Prends, et brûle mon cœur sur le bûcher charnel !

    Parjure du serment que je crus éternel,
    Mon amour s’est pour toi grandi de tout mon crime
    Et, sacrificateur aussi...

  • Midi. L’air brûle, et sous la terrible lumière
    Le vieux fleuve alangui roule des flots de plomb ;
    Du zénith aveuglant le jour tombe d’aplomb,
    Et l’implacable Phré couvre l’Égypte entière.

    Les grands sphinx qui jamais n’ont baissé la paupière,...

  •  
    Dans le fond du palais, sur sa couche d’airain,
    Agamemnon repose et son âme se noie
    Dans le divin sommeil ; le souvenir de Troie
    Vient à peine parfois plisser son front serein.

    Il dort et pour ses yeux le jour du lendemain
    Ne luira pas. Le cœur plein de haine et de joie,
    Clytemnestre déjà désigne de la main
    A son timide amant cette royale...

  •  
    Voici le Monstre ailé, mon fils, lui dit la Muse.
    Sous son poil rose court le beau sang de Méduse ;
    Son œil réfléchit tout l’azur du ciel natal,
    Les sources ont lavé ses sabots de cristal,
    À ses larges naseaux fume une brume bleue
    Et l’Aurore a doré sa crinière et sa queue…

    Flatte-le, parle-lui. Dis-lui : « Fils de Gorgo
    Pégase ! écoute-moi :...

  • Ce soir, seul au haut bout, car il n’a pas d’égaux,
    Diego Laynez, plus pâle aux lueurs de la cire,
    S’est assis pour souper avec ses hidalgos.

    Ses fils, ses trois aînés, sont là ; mais le vieux sire
    En son cœur angoissé songe au plus jeune....

  •  
    Franchis l’arc triomphal qui croulera demain
    Et regarde, plus vaste à la splendeur nocturne,
    Du lac de Curtius à celui de Juturne,
    Ce qui naguère fut le grand forum romain.

    Un vil peuple y débat le sort du genre humain
    Et le vote vénal emplit la ciste et l’urne.
    Les consuls sont muets, le Sénat taciturne.
    Un homme tient le monde et Rome dans...

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    Pax et Robur.

    Très illustre Empereur, fils d’Alexandre Trois !
    La France, pour fêter ta grande bienvenue,
    Dans la langue des Dieux par ma voix te salue,
    Car le poète seul peut tutoyer les rois.

    Et Vous, qui près de Lui, Madame, à cette fête
    Pouviez seule donner la suprême beauté,
    Souffrez que je salue en Votre Majesté
    La...