•  
    Au centre d’un pignon de la cour taciturne,
    Un cadran blasonnait la tristesse des murs
    Et les Heures tombaient, à coups rythmés et sûrs,
    Comme des gouttes d’eau qui tomberaient d’une urne.

    Comme des gouttes d’eau, s’égrenant par instant
    Sur un homme perdu dans une grotte obscure.
    Pleurs du rocher qui font une humide piqûre
    Et par une douleur...

  • À son tic tac mélancolique,
    La fermière écosse des pois.
    — La nuit noire comme la poix
    S’avance d’un pas diabolique.

    Cependant, qu’un chat famélique
    Guigne ses deux énormes poids,
    À son tic tac mélancolique,
    La fermière écosse des pois.

    Quand son tintement métallique
    Vibre dans sa cage de bois,
    Je frissonne un peu, mais je bois...

  • L’HORLOGER

    À la vitrine, où s’accrochaient

    Quelques bagues et maints hochets,
    On s’arrêtait pour voir,
    Le soir,
    En sa boutique, l’horloger
    Qui remuait, avec des doigts légers
    Et...

  •  
    Sur le chevet des jeunes filles,
    Si les Péris venaient encor
    Toucher leurs filleules gentilles
    Avec une baguette d'or ;

    Le soir, dans la flamme bleuâtre,
    Si les Follets et les Lutins
    Dansaient sur les chenets de l'âtre,
    Au son des grelots argentins ;

    Si l'on voyait sortir Morgane
    Du lis et du camélia,
    Et sur les branches de...

  •  
    À Emmanuel Glaser.

    Les deux sœurs étaient là, les bras entrelacés,
    Debout devant la vieille aux regards fatidiques.
    Qui tournait lentement de ses vieux doigts lassés
    Sur un coin de haillon les cartes prophétiques.

    Brune et blonde, et de plus fraîches comme un matin,
    L’une sombre pavot, l’autre blanche anémone,
    Celle-ci fleur de mai,...

  •  
    Par un soleil mourant dans d’horribles syncopes,
                 Mes spleens malsains
    Évoquaient sur mon cas les divers horoscopes
                 Des médecins.
    Partout la solitude inquiétante, hostile,
                 Où chaque trou
    Avait un mauvais cri d’insecte, de reptile
                 Et de hibou.
    J’étais dans un chemin désert, tenant du...

  •  
    Souvent, dans le hallier où l’églogue hypocrite
    S’en va chantant,
    J’ai tout à coup cessé de lire Théocrite
    Inquiétant ;

    Homère fait trembler ; un gouffre est dans Eschyle ;
    Parfois je veux
    M’enfuir quand Circé passe ou quand je vois Achille
    Pris aux cheveux ;

    Les aigles sur les bords du Gange et du Caystre
    Sont effrayants ;
    ...

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    I

    Depuis quatre mille ans il tombait dans l’abîme.

    Il n’avait pas encor pu saisir une cime,
    Ni lever une fois son front démesuré.
    Il s’enfonçait dans l’ombre et la brume, effaré,
    Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
    Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
    Il tombait foudroyé, morne silencieux,
    Triste, la bouche...

  •  
    La plume, seul débris qui restât des deux ailes
    De l’archange englouti dans les nuits éternelles,
    Etait toujours au bord du gouffre ténébreux.
    Les morts laissent ainsi quelquefois derrière eux
    Quelque chose d’eux-mêmes au seuil de la nuit triste,
    Sorte de lueur vague et sombre, qui persiste.

    Cette plume avait-elle une âme ? qui le sait ?
    Elle...

  • Je vis dans la nuée un clairon monstrueux.

    Et ce clairon semblait, au seuil profond des cieux,
    Calme, attendre le souffle immense de l’archange.

    Ce qui jamais ne meurt, ce qui jamais ne change,

    L’entourait. À travers un frisson, on sentait
    Que ce buccin fatal, qui rêve et qui se tait,
    Quelque part, dans l’endroit où l’on crée, où l’on sème,
    Avait...