• Après dix ans je vous revois,
    Vous que j’aimai toute petite ;
    Oui, voilà bien les yeux, la voix
    Et le bon cœur de Marguerite.
    Vous m’avez dit : « Rajeunissons
    Ces souvenirs pleins d’innocence. »
    Ah ! j’y consens, recommençons
    Un des beaux jours de notre enfance.

    Comme ils sont loin ces jours si beaux !
    Gais enfants que le jeu rassemble,...

  •  
    O frère, ô jeune ami, dernier fils de ma mère,
    O toi qui devanças, dans le val regretté,
    Cette enfant, notre sœur, une rose éphémère,
             Qui ne vécut qu’un jour d’été ;

    Que fais-tu, cher absent, ô mon frère ! à cette heure
    Où mon cœur et mes yeux se retournent vers toi ?
    Ta pensée, évoquant les beaux jours que je pleure,
             Revole-...

  •  
    À M. G. P.

    L’hiver règne ; son souffle a chassé l’hirondelle !
    La Néva sous la glace a resserré ses eaux ;
    Le char court, en silence, ou voguait la nacelle,
    Et la roue a fait place aux rapides traîneaux.

    Quand le soleil reluit, quand la glace éclatante
    De ses rayons brisés réfléchit les couleurs,
    Et que d’un ciel d’azur la...

  • Il me semble parfois que ma plaie est guérie :
    Et, souriant encor, je regarde au miroir
    Revenir doucement mon enfance fleurie.

    Je ne sais pas comment, mais je crois la revoir
    Ce qu’elle était hier, toute rose & paisible,
    Avec son ignorance, avec son fol espoir.

    Une ride aujourd’hui court, à peine sensible,
    De l’une à l’autre tempe en fugitif...

  •  
    Voici l’heure amoureuse où chante la Sirène…
    Les souvenirs sont des grappes que l’on égrène.

    Le silence est pareil à l’écho d’une voix,
    Et je me tourne, avec les regards d’autrefois,

    Vers celles qu’aujourd’hui mon baiser importune,
    Celle qui fut ma Loreley, ma fleur de lune.

    Pendant le jour je puis l’oublier, mais la nuit,
    Très blonde, elle...

  • Le rhythme argentin de ta voix
    Dans mes rêves gazouille et tinte.
    Chant d'oiseau, bruit de source au bois,
    Qui réveillent ma joie éteinte.

    Mais les bois n'ont pas de frissons,
    Ni les harpes éoliennes.
    Qui soient si doux que tes chansons,
    Que tes chansons tyroliennes.

    Parfois le vent m'apporte encor
    L'odeur de ta blonde crinière....

  • J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.

    Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
    De vers, de billets doux, de procès, de romances,
    Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
    Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
    C'est une pyramide, un immense caveau,
    Qui contient plus de morts que la fosse commune.
    - Je suis un cimetière...

  • Les souvenirs, ce sont les chambres sans serrures,
    Des chambres vides où l'on n'ose plus entrer,
    Parce que de vieux parents jadis y moururent.
    On vit dans la maison où sont ces chambres closes.
    On sait qu'elles sont là comme à leur habitude,
    Et c'est la chambre bleue, et c'est la chambre rose...
    La maison se remplit ainsi de solitude,
    Et l'on y continue...

  • On parlera de sa gloire
    Sous le chaume bien longtemps.
    L'humble toit, dans cinquante ans,
    Ne connaîtra plus d'autre histoire.
    Là viendront les villageois
    Dire alors à quelque vieille
    Par des récits d'autrefois,
    Mère, abrégez notre veille.
    Bien, dit-on, qu'il nous ait nui,
    Le peuple encor le révère,
    Oui, le révère.
    Parlez-nous de...

  • Ô souvenirs ! printemps ! aurore !
    Doux rayon triste et réchauffant !
    - Lorsqu'elle était petite encore,
    Que sa soeur était tout enfant... -

    Connaissez-vous, sur la colline
    Qui joint Montlignon à Saint-Leu,
    Une terrasse qui s'incline
    Entre un bois sombre et le ciel bleu ?

    C'est là que nous vivions, - Pénètre,
    Mon coeur, dans ce passé...