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    Les étoiles, au Nord lentement effacées,
    Sont des tisons mourants sur des piliers d’airain,
    Et l’ombre, plus profonde autour de mes pensées,
    S’abaisse sur mon front comme un ciel souterrain.

    Et, spirale attirante et que semblent descendre
    Des lumières qu’effare une haleine d’en bas,
    Comme un gouffre se creuse en un sol fait de cendre,
    L’abîme...

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    MON cœur est comme un grand paradis de délices
    Qu’un ange au glaive d’or contre le mal défend ;
    Et j’habite mon cœur, pareil à quelque enfant
    Chasseur de papillons, seul, parmi les calices.

    Gardé des chagrins fous et des mortels supplices,
    En l’asile fleuri du jardin triomphant,
    Pour me désaltérer, dans le jour étouffant,
    J’ai ton eau, frais...

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    Comme autrefois pâle et serein
    Je vis, du moins on peut le croire,
    Car sous ma redingote noire
    J’ai boutonné mon noir chagrin.
    Sans qu’un mot de mes lèvres sorte,
    Ma peine en moi pleure tout bas ;
    Et toujours sonne comme un glas
    Cette phrase : Ta mère est morte !

    Au bois de Boulogne on me voit,
    Comme un dandy que rien n’occupe,...

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    La mère de famille a quitté la maison,
    Elle dort maintenant sous la colline verte.
    Le père s’est assis dans la salle déserte,
    Tandis qu’à l’âtre éteint fume un maigre tison ;

    Le père s’est assis, les coudes sur la table,
    Et pressant dans ses mains son front chargé d’ennui ;
    Ses trois fils aux bras forts, rangés autour de lui,
    Ne sauraient...

  • « Joujou, pipi, caca, dodo. »
    « Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. »
    Le moutard gueule, et sa sœur tape
    ...

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    Le Temps sentencieux et le muet Amour
    Se tiennent côte à côte et debout devant l’âtre,
    Et l’on voit se croiser dans le miroir verdâtre
    La faulx vaine du Temps et l’aile de l’Amour.

    L’aile est lasse. Le Temps parfois parle à l’Amour ;
    La voix douce reprend la voix acariâtre ;
    L’enfant résiste et le vieillard s’opiniâtre,
    Et l’enfant ne veut pas...

  • Une esclave aux longs yeux chargés de molles chaînes
    Change l’eau de mes fleurs, plonge aux glaces prochaines,
    Au lit mystérieux prodigue ses doigts purs ;
    Elle met une femme au milieu de ces murs
    Qui, dans ma rêverie errant avec décence,
    Passe entre mes regards sans briser leur absence,
    Comme passe le verre au travers du soleil,
    Et...

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    Dans mon âme a fleuri le miracle des roses.
    Pour le mettre à l’abri, tenons les portes closes.

    Je défends mon bonheur, comme on fait des trésors,
    Contre les regards durs et les bruits du dehors.

    Les rideaux sont tirés sur l’odorant silence,
    Où l’heure au cours égal coule avec nonchalance.

    Aucun souffle ne fait trembler le mimosa
    Sur lequel,...

  • La maison est petite & de peu d’apparence,
    Le soleil en hiver ne la visite pas
    Et du nord ou du sud ne fait point différence.
    Le toit d’en face est haut & celui-ci très-bas.

    Le bonheur seul y brille & réchauffe les âmes.
    Il semble, en entrant là, que l’air soit plus léger,
    Que les feux au foyer aient de plus claires flammes,
    Que le temps...

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    LE poète regarde un moment en lui-même :
    Il voit des souvenirs de clairs de lune éteints,
    Des levers de soleil vagues sur des matins,
    Et des jours abolis, pleins de roses qu’il aime…

    Les parfums sont encore, affaiblis, dans son cœur ;
    Les fleurs ont effeuillé lentement leurs pétales ;
    Les rayons ont perdu d’obliques lueurs pâles ;
    Les soirs...