• Si je veux abuser mon cœur
    D’une autre image que la sienne,
    Peu à peu, tristement moqueur,
    Il retrace l’image ancienne.

    C’est un pêle-mêle inouï,
    Où tous les traits viennent se fondre,
    Et le fantôme évanoui
    Ressuscite pour me répondre.

    Je vois ses yeux bruns d’autrefois,
    Ses cheveux blonds, son cher sourire,
    Je frémis encore à sa...

  •  

    La terre dans le ciel promène
    Sa face où vit l'humanité.
    La terre va ; la vie humaine
    Ronge son crâne tourmenté.

    Les hommes courent à leurs quêtes
    Sur la terre, ardents et pressés ;
    Comme aux vieux masques des coquettes
    S'obstinent les anciens pensers.

    La terre est vieille et décrépite,
    Et rêve encor, spectre blafard ;
    La...

  •  
    Que pour d’autres l’amour rende triste l’aurore
    Du regret frissonnant d’avoir hier aimé !
    Pour nous, dans l’air palpite et se répand encore
    La ténébreuse odeur dont tu l’as parfumé.

    N’as-tu pas vu, en nous, se lever de l’étreinte
    Un dieu né de notre âme et fait de notre chair,
    Et qui, debout au seuil de la maison éteinte,
    En la jeune clarté...

  • Un jeune homme, que la soif ardente de savoir
    Poussa à Saïs en Egypte,
    Pour apprendre la sagesse secrète des prêtres, avait
    Déjà franchi maint degré, grâce à la promptitude de son esprit ;
    Toujours son désir de connaître l’entraînait plus loin,
    Et le hiérophante avait peine à calmer
    L’impatience de ses aspirations. « Qu’ai-je,
    Si je n’ai tout ? disait...

  • Comme la main distraite et qui n’a pas de thème
    Précis, par la vertu secrète d’un aimant,
    Décrit, sans y songer et machinalement,
    Un contour au hasard jeté, toujours le même ;

    Ainsi va ma pensée, et l’éternel problème
    De l’amour la ramène à tracer constamment
    Dans le cadre naïf d’un ovale charmant
    Un sourire indécis et les chers yeux que j’aime.

    ...
  • Le front a des blancheurs mates de cire vierge,
    Car il est ignorant des choses du Malin,
    Et l’âme transparaît sous la robe de lin
    Comme à travers l’albâtre une flamme de cierge.

    Le pied, chaussé de vair, de l’arabesque émerge,
    Et la nuque, appuyée au nimbe d’argent fin,
    Se redresse extatique. En marge du vélin
    On lit un nom de reine, Ingeburge ou...

  • J’aime à vous évoquer dans une chaste pose,
    Debout et les doigts joints et les yeux souriants,
    Comme au temps où, rêveur injustement morose,
    Je profitais si mal de mes beaux jours fuyants.

    Ah ! je vous ai du moins présente en ma mémoire !
    Tout, depuis le nœud bleu sous le petit col blanc
    Ou la simple croix d’or, avec la robe noire
    Qui garde dans ses...

  • Mais comme en image à présent
    voyez ici souffler le vent
    et tout qui plie :
    arbres, mâts, croix, roseaux, sapins,
    et puis aussi la mer au loin
    qui hurle et crie...

  •  
    Tu l'as mal écrasé, Christ, ce reptile immonde
    Que toute vérité trouve sur son chemin !
    De ses hideux replis il enlace le monde,
    Et son dard profond reste aux flancs du genre humain.

    Tu nous avais promis que l'horrible vipère
    Ne renouerait jamais ses livides tronçons,
    Que l'homme serait fils, que le Dieu serait père,
    Et que tu paierais seul...

  • L’art, aussi bien que la nature,
    Eût fait plaindre cette peinture :
    Mais il a voulu figurer
    Qu’aux tourments dont la cause est belle
    La gloire d’une âme fidèle
    Est de souffrir sans murmurer.