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    I

    Lune, témoin de tant de gloire,
    As-tu marqué dans ta mémoire
    Jamais une plus sainte nuit ?
    Sur unies plus silencieuses,
    Sur cités plus majestueuses,
    Jamais ton regard a-t-il lui !

    Non jamais, Sagonte nouvelle,
    Paris n’eut angoisse plus belle ;

    Paris n’eut citoyens plus beaux,
    Tous agissants comme des ombres,
    Muets,...

  • « Suspends ici ton vol : d’où viens-tu, Renommée ?
    « Qu’annoncent tes cent voix à l’Europe alarmée ?
    « — Guerre ! — Et quels ennemis veulent être vaincus ?
    « — Allemands, Suédois, Russes, lèvent la lance ;
    « Ils menacent la France.
    « — Reprends ton vol, Déesse, et dis qu’ils ne...

  • On ferme ! On ferme ! Et les veuves de noir vêtues,
    À pas feutrés et lents, s’en vont sous leurs manteaux,
    Et font tinter de lourds deniers en des plateaux
    Placés dans l’ombre, au pied de géantes statues,
    Comme les larges mains mendiantes de Dieu.
    Au fond, l’autel éteint ses fleurs étincelantes,
    Et les veuves glissent lentes et dévalantes
    Vers la ville...

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    Belle « à damner les saints », à troubler sous l’aumusse
    Un vieux juge ! Elle marche impérialement.
    Elle parle — et ses dents font un miroitement —
    Italien, avec un léger accent russe.

    Ses yeux froids où l’émail sertit le bleu de Prusse
    Ont l’éclat insolent et dur du diamant.
    Pour la splendeur du sein, pour le rayonnement
    De la peau, nulle...

  • Comme il vient de porter sa pauvre femme en terre,
    Et qu’on est d’humeur noire un jour d’enterrement,
    Il entre au cabaret ; car la tristesse altère,
    Et les morts sont bien morts ! — c’est là son sentiment.

    Il se prouve en buvant que la vie est sévère ;
    Et, vu que tout bonheur ne dure qu’un moment,
    Il regarde finir mélancoliquement
    Le tabac dans sa...

  • Jéhova de la terre a consacré les cimes ;
    Elles sont de ses pas le divin marchepied,
    C'est là qu'environné de ses foudres sublimes
    Il vole, il descend, il s'assied.

    Sina, l'Olympe même, en conservent la trace ;
    L'Oreb, en tressaillant, s'inclina sous ses pas ;
    Thor entendit sa voix, Gelboé vit sa face;
    Golgotha pleura son trépas.

    Dieu que l'...

  • Un Lundy fut le jour de la grande journee
    Que l'Amour me livra : ce jour il fut vainqueur
    Ce jour il se fit maistre et tyran de mon coeur :
    Du fil de ce jour pend toute ma destinee.

    Lors fut à mon tourment ma vie abandonnee,
    Lors Amour m'asservit à sa folle rigueur.
    C'est raison qu'à ce jour, le chef de ma langueur,
    Soit la place en mes vers la...

  • J'ai vu, tels que des morts réveillés par le glas,
    Les moines, lampe en main, se ranger en silence,
    Puis pousser, comme un vol de corbeaux qui s'élance,
    Leurs noirs miserere qui plaisent au coeur las.

    Le néant dans le cloître a sonné sous mes pas ;
    J'ai connu la cellule, où le calme commence,
    D'où le monde nous semble une mêlée immense
    Dont le vain...

  • C'est une grande allée à deux rangs de tilleuls.
    Les enfants, en plein jour, n'osent y marcher seuls,
    Tant elle est haute, large et sombre.
    Il y fait froid l'été presque autant que l'hiver ;
    On ne sait quel sommeil en appesantit l'air,
    Ni quel deuil en épaissit l'ombre.

    Les tilleuls sont anciens ; leurs feuillages pendants
    Font muraille au dehors et...

  • L'Oyseau dont l'Arabie a fait si grande feste,
    Est de ce grand Heros le symbole asseuré.
    Le Phenix est tout seul. Le Christ est figuré
    Seul libre entre les morts par son Royal Prophete.

    Le Phenix courageux se porte à sa defaite
    Sur du bois parfumé : l'Amour demesuré
    Fait que Christ a la mort sur ce bois enduré,
    Qui parfume le Ciel d'une odeur tres...