• L'esprit divin, dont l'immortelle essence
    Premierement vint de la main des dieux,
    Se voyant prest de s'envoler aux Cieux
    Pour à jamais y faire demeurance,

    Avant sortir, comme ayant jouissance
    De ce qu'il a desiré pour son mieux,
    Predit souvent le malheur envieux
    Et nous en donne une ferme asseurance.

    Ainsy jadis l'amoureuse Didon
    ...

  • Le feu divin qui nous consume

    Ressemble à ces feux indiscrets

    Qu'un pasteur imprudent allume

    Aux bord de profondes forêts;

    Tant qu'aucun souffle ne l'éveille,

    L'humble foyer couve et sommeille ;

    ais s'il respire l'aquilon,

    Tout à coup la flamme engourdie

    S'enfle, déborde; et l'incendie

    ...

  • Je publiëray ce bel esprit qu'elle a,
    Le plus posé, le plus sain, le plus seur,
    Le plus divin, le plus vif, le plus meur,
    Qui oncq du ciel en la terre vola.

    J'en sçay le vray, et si cest esprit là
    Se laissoit voir avecques sa grandeur,
    Alors vrayment verroit l'on par grand heur
    Les traicts, les arcs, les amours qui sont là.

    A le vanter...

  • Ton corps plus doux que ton esprit
    S'exposait hier à ma vue,
    Et d'un transport qui me surprit
    Soulageait l'ardeur qui me tue.

    Ton visage masqué me rit
    Ainsi qu'au travers d'une nue,
    Et sous le gant qui la couvrit
    Ta main m'apparut demi nue.

    Même pour mieux flatter mes sens
    De mille plaisirs innocents,
    Ton sein poussait hors...

  • Ne vous étonnez point si mon esprit qui passe
    De travail en travail par tant de mouvements,
    Depuis qu'il est banni dans ces éloignements,
    Tout agile qu'il est ne change point de place.

    Ce que vous en voyez, quelque chose qu'il fasse,
    Il s'est planté si bien sur si bons fondements,
    Qu'il ne voudrait jamais souffrir de changements
    Si ce n'est que le...

  • A Éva

    I

    Si l'Orgueil prend ton coeur quand le Peuple me nomme,
    Que de mes livres seuls te vienne ta fierté.
    J'ai mis sur le cimier doré du Gentilhomme
    Une plume de fer qui n'est pas sans beauté.
    J'ai fait illustre un nom qu'on m'a transmis sans gloire.
    Qu'il soit ancien, qu'importe ? - Il n'aura de mémoire
    Que du jour seulement où mon...

  • Esprit parisien ! démon du Bas-Empire !
    Vieux sophiste épuisé qui bois, toutes les nuits,
    Comme un vin dont l'ivresse engourdit tes ennuis,
    Les gloires du matin, la meilleure et la pire;

    Froid niveleur, moulant, aussitôt qu'il expire,
    Le plâtre d'un grand homme ou bien d'un assassin,
    Leur mesurant le crâne, et, dans leur vaste sein,
    Poussant jusques au...

  • Ne mêle pas l'esprit aux choses de la chair.
    Sache, aux moments secrets où le corps est en fête,
    Redescendre à l'obscur délire de la bête.
    Tumultueux et sourd et fort comme la mer,
    Laisse gronder tes sens en orgues de tempête,
    Et que sous l'onde en feu de tes baisers halète
    L'orgueilleuse impudeur de la beauté parfaite.
    Il faut qu'au fond des soirs...

  • J'ai l'esprit tout ennuyé
    D'avoir trop étudié
    Les Phénomènes d'Arate ;
    Il est temps que je m'ébatte
    Et que j'aille aux champs jouer.
    Bons Dieux ! qui voudrait louer
    Ceux qui, collés sus un livre,
    N'ont jamais souci de vivre ?

    Que nous sert l'étudier,
    Sinon de nous ennuyer ?
    Et soin dessus soin accroître
    A nous, qui serons peut-être...

  • Amour, tu es aveugle et d'esprit et de vue,
    De ne voir pas comment ta force diminue,
    Ton empire se perd, tu révoltes les tiens,
    Faute de ne chasser une infernale peste
    Qui fait que tout le monde à bon droit te déteste,
    Pour ne pouvoir jouir sûrement de tes biens.

    C'est de ton doux repos la mortelle ennemie,
    C'est une mort cruelle au milieu de la...