• L’ame, & l’esprit sont pour le corps orner,
    Quand le vouloir de l’Eternel nous donne
    Sens, & sçauoir pour pouuoir discerner
    Le bien du bien, que la raison ordonne.

    Par quoy si Dieu de telz biens te guerdonne,
    Il m’à donné raison, qui à pouuoir
    De bien iuger ton heur, & ton sçauoir.

    Ne trouve donc chose si admirable,
    Si a bon droict...

  • Comme le corps ne permect point de veoir,
    A son esprit, ny sçauoir sa puissance :
    Ainsi l’erreur, qui tant me faict avoir
    Deuant les yeulx le bandeau d’ignorance,
    Ne m’à permis d'auoir la congnoissance
    De celuy là, que pour pres le chercher
    Les Dieux avoient voulu le m’approcher :
    Mais si hault bien ne m’àsceu apparoistre.
    Parquoy a droict l’on...

  • Le Corps ravi, l'Âme s'en émerveille
    Du grand plaisir qui me vient entamer,
    Me ravissant d'Amour, qui tout éveille
    Par ce seul bien, qui le fait Dieu nommer.

    Mais si tu veux son pouvoir consommer,
    Faut que partout tu perdes celle envie :
    Tu le verras de ses traits s'assommer,
    Et aux Amants accroissement de vie.

    (Rymes XII)

  • Comme le corps ne permet point de voir
    À son esprit, ni savoir sa puissance :
    Ainsi l'erreur, qui tant me fait avoir
    Devant les yeux le bandeau d'ignorance,
    Ne m'a permis d'avoir la connaissance
    De celui-là que, pour près le chercher,
    Les Dieux avaient voulu le m'approcher :
    Mais si haut bien ne m'a su apparaître.

    Parquoi à droit l'on me...

  • Mais si mon foible corps (qui comme l'eau s'escoule)
    Et s'affermit encor plus longtemps qu'un plus fort)
    S'avance à tous moments vers le sueil de la mort,
    Et que mal dessus mal dans le tombeau me roule,

    Pourquoy tiendray-je roide à ce vent qui saboule
    Le Sablon de mes jours d'un invincible effort ?
    Faut-il pas resveiller cette Ame qui s'endort,
    De...

  • Ainsi que tous les corps que la nature anime,
    Et forme inanimez en ce clos rondissant
    Ont leur cause, leur centre, et vont resortissant
    Au centre, qu'elle enferme au creux de son abysme,

    Ainsi que tous les poincts qu'en sa masse sublime
    Contient la pyramide és nues se haussant,
    Se ramenent ensamble, et se vont unissant
    Au joint indivisible eslevé...

  • Autour des corps, qu'une mort avancée
    Par violance a privez d'un beau jour,
    Les ombres vont, et font maint et maint tour,
    Aimans encor leur dépoüille laissée.

    Au lieu cruel, où j'eu l'ame blessée
    Et fu meurtri par les flèches d'Amour,
    J'erre, je tourne et retourne à l'entour,
    Ombre maudite, errante et dechassée.

    Legers esprits, plus que...

  • A longs filets de sang ce lamentable corps
    Tire du lieu qu'il fuit le lien de son âme,
    Et séparé du coeur qu'il a laissé dehors,
    Dedans les forts liens et aux mains de sa dame,
    Il s'enfuit de sa vie et cherche mille morts.

    Plus les rouges destins arrachent loin du coeur
    Mon estomac pillé, j'épanche mes entrailles
    Par le chemin qui est marqué de ma...

  • L'âme qui en secret voit enterrer son corps,
    Fait tout ce qu'elle peut pour en montrer la place,
    Afin de recevoir des vivants cette grâce,
    Qu'il soit mis au sépulcre honorable des morts.

    Cependant animée elle se plaint des torts
    Naguère à elle faits en suivant à la trace
    Le meurtrier inconnu, qu'elle toujours menace
    Des Furies d'enfer, où elle...

  • Le corps pâle brûlé au bûcher domestique,
    Content de l'Achéron en sa chère moitié,
    Vécut, mourut, brûla, ô cendres d'amitié,
    Puisse naître de vous le cher oiseau unique !

    Soyez donc arrousés du doux nectar lybique,
    Heureux qui êtes morts premier que l'amitié
    Qui lia vos deux coeurs eût pris fin. Ô pitié,
    Je n'en suis pas ainsi vers cette fantastique...