• Le contour des objets tremble. Le jour recule.
    Les horizons sont plus prochains au crépuscule,
    Et la colline semble un navire qui va…
    Voici l’heure féerique où tout ce qu’on rêva
    D’étrange reparaît tout à coup dans les choses :

    L’arbre noueux se tord en de bizarres poses ;
    Un frisson court. Les bruits ressemblent à des voix ;
    L’horreur sacrée emplit...

  • Tiède du souvenir des occidents vermeils,
    La nuit sur les coteaux palpite immense & bonne.
    Elle est comme la mer : un vent d’aile y frissonne ;
    Leur couleur est semblable & leurs bruits sont pareils.

    Le sein large & profond qui porte les soleils,
    Où le flot incessant des univers rayonne,
    Est indulgent & n’a d’embûches pour personne,
    Et...

  • Nous aimons à rôder sur la place Navone.
    Ah ! le pied n’y bat point l’asphalte monotone,
    Mais un rude pavé, houleux comme une mer.
    Des maraîchers y font leurs tentes tout l’hiver,
    Et les enfants, l’été, s’ébattent dans l’eau bleue,
    Sous le triton qui tient un dauphin par la queue.
    Au beau milieu surgit un chaos où l’on voit
    Dans un antre de pierre un...

  • Sur la place Vendôme, un soir de paix profonde,
    J’entendis de tambours un roulement si grand,
    Que, tout à coup, moi-même à l’unisson vibrant,
    Je crus que l’on partait pour conquérir le monde !

    Lancée aux quatre vents, la fanfare qui gronde
    M’emmène avec un bruit déjà moins enivrant.
    Nous marchons ; mais bientôt, de mon orchestre errant,
    Chaque...

  • Au coin du boulevard de la Reine, à Versailles,
    Sur un vieux mur terreux, hérissé de broussailles,
    Qui clôt de sa tristesse un plus triste jardin,
    Une rose fleurit, comme au parc d’Aladin.

    Je passe devant elle, & sa fraîcheur me trouble.
    Cette rose n’a pas de nom ; à peine double,
    La greffe a négligé ses rameaux délicats,
    Et nos horticulteurs en...

  • Une fois j’aperçus, au fond d’un pêle-mêle
    De ronces, de cailloux & de buissons obscurs,
    Une rose pendue au bout d’un rameau frêle,
    Qui se mourait, fanée, à l’angle de deux murs.

    Elle avait fleuri là sans fraîcheur & sans gloire :
    Un peu de rouge à peine égayait sa pâleur,
    Et sa forme indécise, à travers l’ombre noire,
    Reluisait vaguement...

  • Nos coteaux, les plus purs de tous & les plus doux,
    Que, n’eût été la Grèce, auraient choisis les faunes,
    Au bas de leurs sentiers poudrés de sables jaunes
    Ont comme une hydre énorme éparse à leurs genoux.

    La Ville nous fascine, étant moins près de nous,
    Avec ses tours aussi royales que des trônes ;
    Horizontale, bleue & blanche entre les cônes...

  • Du grand roc Alburno les bergers aux traits hâves
    Ont surnommé Pœstum l’antre des vals pourris,
    Stigmatisant ainsi, taciturnes & graves,
    La luxure où sombra cette autre Sybaris.

    Mais ceux de Campanie honorent les débris
    Qu’incrusta sur leurs monts la ville des esclaves ;
    La légende a toujours appelé lieu des braves
    Ces murs...

  • Visible affreusement dans le courroux des mers,
    C’est bien toi, Poséidôn ! que brave en mots amers
    Ajax, le noir trident suspendu sur sa tête ;
    Prométhée, appelant la foudre qui s’apprête,
    A vu Zeus se dresser & les cieux obscurcis
    Trembler au froncement des terribles sourcils :
    Et c’est pourquoi nul temps n’effacera la gloire
    De ces défis gravés...

  • Un coffret de cuir fauve à l’écusson d’or plat
    Contient les deux flacons de cristal vert & rouge ;
    Dans le fond, par moments, un liquide qui bouge
    Sous l’étui de velours amortit son éclat.

    Ouvrez l’un d’eux. La plus limpide des essences
    Y nage, & fait monter subtilement dans l’air,
    Comme une apothéose, un tableau vague & cher
    Des soirs,...