•  
    Il avait l’air hagard quand il entra chez moi,
    Et c’est avec le geste âpre, la face ocreuse,
    L’œil démesurément ouvert, et la voix creuse
    Qu’il me fit le récit suivant : Figure-toi

    Que j’errais au hasard comme à mon habitude,
    Enroulé dans mon spleen ainsi qu’en un linceul,
    Ayant l’illusion d’être absolument seul
    Au milieu de l’opaque et rauque...

  • Ce n’est pas vous, non, madame, que j’aime,
    Ni vous non plus, Juliette, ni vous,
    Ophélia, ni Béatrix, ni même
    Laure la blonde, avec ses grands yeux doux.

    Celle que j’aime, à présent, est en Chine ;
    Elle demeure, avec ses vieux parents,
    Dans une tour de porcelaine fine,
    Au fleuve jaune, où sont les cormorans ;

    Elle a des yeux retroussés vers...

  •  
    J'ai sur ma table une potiche
    Chinoise, et du goût le plus fin,
    Qu'avec l'extase d'un fétiche
    Plus d'un contemplerait sans fin.

    Le soleil chérit son front pâle,
    Car dans son émail lactescent
    Toujours un rayon caressant
    Sertit quelque perle d'opale.

    Sur ses flancs polis et bleutés
    Vient s'épanouir une flore,
    Belle d'inédites...

  • Chio, l'île joyeuse, est pleine de sanglots.
    Au fond d'une demeure où l'on entend les flots,
    La jeune fille morte, ô père misérable !
    Dans ses longs cheveux blonds dort sur un lit d'érable.
    Ses yeux de violette, hélas ! quand le jour luit,
    Contiennent à présent la formidable nuit.
    Ô Dieux ! c'est le moment où fleurit la pervenche !
    Le père, avec...

  • Hier il m’a semblé (sans doute j’étais ivre)
    Voir sur l’arche d’un pont un choc de cavaliers
    Tout cuirassés de fer, tout imbriqués de cuivre,
    Et caparaçonnés de harnais singuliers.

    Des dragons accroupis grommelaient sur leurs casques,
    Des Méduses d’airain ouvraient leurs yeux hagards
    Dans leurs grands boucliers, aux ornements fantasques,
    Et des nœuds...

  • Nous sommes les vagues profondes
    Où les yeux plongent vainement ;
    Nous sommes les flots et les ondes
    Qui déroulent autour des mondes
    Leur manteau d’azur écumant !

    Une âme immense en nous respire,
    Elle soulève notre sein.
    Soue l’aquilon, sous le zéphyre,

    Nous sommes la plus vaste lyre
    Qui chante un hymne au trois fois Saint !

    ...

  •  
       Ici l’on passe
    Des jours enchantés !
       L’ennui s’efface
    Aux cœurs attristés
       Comme la trace
    Des flots agités.

       Heure frivole
    Et qu’il faut saisir,
       Passion folle
    Qui n’est qu’un désir,
       Et qui s’envole
    Après le plaisir !

    Piquillo (avec Dumas).
    Musique de Monpou.

  •  
    Au fond des ténèbres,
    Dans ces lieux funèbres,
    Combattons le sort :
    Et pour la vengeance,
    Tous d’intelligence,
    Préparons la mort.

       Marchons dans l’ombre ;
       Un voile sombre
       Couvre les airs :
       Quand tout sommeille,
       Celui qui veille
       Brise ses fers !

  • I

    A L'ALLEMAGNE

    Aucune nation n'est plus grande que toi ;
    Jadis, toute la terre étant un lieu d'effroi,
    Parmi les peuples forts tu fus le peuple juste.
    Une tiare d'ombre est sur ton front auguste ;
    Et pourtant comme l'Inde, aux aspects fabuleux,
    Tu brilles ; ô pays des hommes aux yeux bleus,
    ...

  • CHOPIN

    Chopin, mer de soupirs, de larmes, de sanglots
    Q'un vol de papillons sans se poser traverse
    Jouant sur la tristesse ou dansant sur les flots.
    Reve, aime, souffre, crie, apaise, charme ou berce,
    Toujours tu fais courir entre chaque douleur
    L'oubli vertigineux et doux de ton caprice
    Comme les papillons volent de fleur en...