• Les hommes sont aux champs et chaque maison vide,
    Muette et close aux feux étouffés du soleil,
    Sous le poids lourd d’un ciel à l’ardoise pareil,
    S’endort dans la torpeur de son ombre livide.

    Miroitement aigu dans ce calme de mort,
    La tuile qui reluit a des éclairs farouches
    Et sur le fumier vibre un tourbillon de mouches,
    Sous les traits acérés du...

  • À Gabriel Marc.

    La nuit se mêle encore à de vagues pâleurs ;
    L'étoile naît, jetant son reflet qui se brouille
    Dans la mare dormante où croupit la grenouille.
    Les champs, les bois n'ont plus ni formes ni couleurs.

    Leurs calices fermés, s'assoupissent les fleurs.
    Entrevue à travers le brouillard qui la mouille,
    La faucille du ciel fond sa corne et...

  • La neige - le pays en est tout recouvert -
    Déroule, mer sans fin, sa nappe froide et vierge,
    Et, du fond des remous, à l'horizon désert,
    Par des vibrations d'azur tendre et d'or vert,
    Dans l'éblouissement, la pleine lune émerge.

    A l'Occident s'endort le radieux soleil,
    Dans l'espace allumant les derniers feux qu'il darde
    A travers les vapeurs de son...

  • La glèbe, à son réveil, verte et toute mouillée,
    Autour du bourg couvert d'une épaisse feuillée
    Où les toits assoupis fument tranquillement ;
    Dans la plaine aux replis soyeux que rien ne cerne,
    Parmi les lins d'azur, l'oeillette et la luzerne,
    Berce les jeunes blés pleins de frissonnement.

    Sereine et rafraîchie aux brumes dilatées,
    Sous l'humide baiser...

  • A Jules Dupré.

    La rivière s'écoule avec lenteur. Ses eaux
    Murmurent, près du bord, aux souches des vieux aulnes
    Qui se teignent de sang ; de hauts peupliers jaunes
    Sèment leurs feuilles d'or parmi les blonds roseaux.

    Le vent léger, qui croise en mobiles réseaux
    Ses rides d'argent clair, laisse de sombres zones
    Où les arbres, plongeant leurs...

  • À José-Maria de Heredia.

    I

    J'aime mon vieil Artois aux plaines infinies,
    Champs perdus dans l'espace où s'opposent, mêlés,
    Poèmes de fraîcheur et fauves harmonies,
    Les lins bleus, lacs de fleurs, aux verdures brunies,
    L'oeillette, blanche écume, à l'océan des blés.

    Au printemps, les colzas aux gais bouquets de chrome,
    De leur note si...

  • L'orage s'ammoncèle et pèse sur la dune
    Dont le flanc sablonneux se dresse comme un mur.
    Par instants, le soleil y darde un faisceau dur
    De rayons plus blafards qu'un blême éclat de lune.

    Les éclairs redoublés tonnent dans l'ombre brune.
    Le pêcheur lutte et cherche en vain un abri sûr.
    Bondissant en fureur par l'océan obscur,
    L'âpre rafale hurle et...

  • A Louis Cabat.

    C'est un humble fossé perdu sous le feuillage ;
    Les aunes du bosquet les couvrent à demi ;
    L'insecte, en l'effleurant, trace un léger sillage
    Et s'en vient seul rayer le miroir endormi.

    Le soir tombe, et c'est l'heure où se fait le miracle,
    Transfiguration qui change tout en or ;
    Aux yeux charmés tout offre un ravissant...