• Pourquoi sous tes cheveux me cacher ton visage ?
    Laisse mes doigts jaloux écarter ce nuage :
    Rougis-tu d'être belle, ô charme de mes yeux ?
    L'aurore, ainsi que toi, de ses roses s'ombrage.
    Pudeur ! honte céleste ! instinct mystérieux,
    Ce qui brille le plus se voile davantage ;
    Comme si la beauté, cette divine image,
    N'était faite que pour les cieux !
    ...

  • Le temps, maître de tout, ternit ce paysage,
    Que Flore embellissait des marques de ses pas ;
    Et montrant des défauts, où l'on vit des appas,
    Il fait un triste lieu de ce plaisant bocage.

    Il réduit une ville en un désert sauvage,
    Il met comme il lui plaît les empires à bas ;
    Il change les esprits ainsi que les États,
    Et fait un furieux du peuple le...

  • Si d'Amour vient mon gracieux martyre,
    L'effet d'Amour, las ! quoy ? quelle chose est-ce ?
    Si bonne elle est, les siens comment oppresse ?
    Pourquoy à mal incessamment les tire ?

    Si mauvaise est, quell' raison ay je à dire
    Doux mon tourment, plaisante ma tristesse ?
    Si elle plaist, à quoi plains je sans cesse ?
    S'elle deplaist, que m'y vault dueil ou...

  • Comment savoir d'avance
    Si ce nouvel amour sera la vague immense
    Qui transportera l'âme ivre d'émotion,
    Jusqu'où s'annonce, enfin, la révélation,
    Ou s'il ira se perdre en fol espoir vivide,
    En trépignements dans le vide ?

    À sa famille de pensées
    Une femme nous présenta ;
    Ravi, nous avons dit, en phrases nuancées,
    Vers quel bonheur tendaient...

  • Amour, lors que premier ma franchise fut morte,
    Combien j'avois perdu encor je ne sçavoy,
    Et ne m'advisoy pas, mal sage, que j'avoy
    Espousé pour jamais une prison si forte.

    Je pensoy me sauver de toy en quelque sorte,
    Au fort m'esloignant d'elle ; et maintenant je voy
    Que je ne gaigne rien à fuir devant toy,
    Car ton traict en fuyant avecques moy j'...

  • Tu m'as rendu la veuë, Amour, je le confesse.
    De grace que c'estoit à peine je sçavoy,
    Et or toute la grace en un monceau je voy,
    De toutes parts luisant en ma grande maistresse.

    Or de voir et revoir ce thresor je ne cesse,
    Comme un masson qui a quelque riche paroy
    Creusé d'un pic heureux qui recele soubs soy
    Des avares ayeux la secrette richesse....

  • C'est Amour, c'est Amour, c'est luy seul, je le sens :
    Mais le plus vif amour, la poison la plus forte
    A qui onq pauvre coeur ait ouverte la porte.
    Ce cruel n'a pas mis un de ses traictz perçans,

    Mais arcq, traits et carquois, et luy tout, dans mes sens.
    Encor un mois n'a pas que ma franchise est morte,
    Que ce venin mortel dans mes veines je porte,...

  • Quand j'ose voir Madame, Amour guerre me livre,
    Et se pique à bon droit que je vay follement
    Le cercher en son regne ; et alors justement
    Je souffre d'un mutin temeraire la peine.

    Or me tiens-je loing d'elle, et ta main inhumaine,
    Amour, ne chomme pas : mais si aucunement,
    Pitié logeoit en toy, tu devois vrayement
    T'ayant laissé le camp, me...

  • Pardon, Amour, Pardon : ô seigneur, je te voüe
    Le reste de mes ans, ma voix et mes escris,
    Mes sanglots, mes souspirs, mes larmes et mes cris :
    Rien, rien tenir d'aucun que de toy, je n'advoüe.

    Helas ! comment de moy ma fortune se joue !
    De toy, n'a pas long temps, Amour, je me suis ris :
    J'ay failly, je le voy, je me rends, je suis pris ;
    J'ay trop...

  • Si contre Amour je n'ay autre deffence,
    Je m'en plaindray, mes vers le maudiront,
    Et apres moy les roches rediront
    Le tort qu'il faict à ma dure constance.

    Puis que de luy j'endure cette offence,
    Au moings tout haut, mes rithmes le diront,
    Et nos neveus, a lors qu'ilz me liront,
    En l'outrageant, m'en feront la vengeance.

    Ayant perdu tout l'...