• Quand je suis tout baissé sur votre belle face,
    Je vois dedans vos yeux je ne sais quoi de blanc,
    Je ne sais quoi de noir, qui m'émeut tout le sang,
    Et qui jusques au coeur de veine en veine passe.

    Je vois dedans Amour, qui va changeant de place,
    Ores bas, ores haut, toujours me regardant,
    Et son arc contre moi coup sur coup débandant.
    Las ! si je faux...

  • Quand je pense à ce jour, où je la vey si belle
    Toute flamber d'amour, d'honneur et de vertu,
    Le regret, comme un trait mortellement pointu,
    Me traverse le coeur d'une playe eternelle.

    Alors que j'esperois la bonne grace d'elle,
    L'Amour a mon espoir que la Mort combattu :
    La Mort a mon espoir d'un cercueil revestu,
    Dont j'esperois la paix de ma longue...

  • C'est fait, belle Caliste, il n'y faut plus penser :
    Il se faut affranchir des lois de votre empire ;
    Leur rigueur me dégoûte, et fait que je soupire
    Que ce qui s'est passé n'est à recommencer.

    Plus en vous adorant je me pense avancer,
    Plus votre cruauté, qui toujours devient pire,
    Me défend d'arriver au bonheur où j'aspire,
    Comme si vous servir était...

  • Vos yeux, belle Diane, ont autant de puissance
    Qu'une arquebuse à roue, et vos sourcils voûtés,
    Ce sont deux arcs turquois, qui rendent surmontés
    Les coeurs qui pensent plus faire de résistance,

    Votre front c'est le marbre, où l'archer qui m'offense
    Aiguise à mon malheur ses traits de tous côtés,
    Votre chaste estomac, le séjour des beautés,
    La prison...

  • Je ne refuse point qu'en si belle jeunesse
    De mille et mille amants vous soyez la maîtresse,
    Que vous n'aimiez partout, et que, sans perdre temps,
    Des plus douces faveurs ne les rendiez contents :
    La beauté florissante est trop soudain séchée
    Pour s'en ôter l'usage, et la tenir cachée.
    Mais je crève de rage et supporte au-dedans
    Des glaçons trop serrés...

  • Une belle Vestale habite au beau rivage
    D'Orne, où c'est qu'elle vit comme en un hermitage.
    Quelquefois en son parc elle se sied au bois,
    Gaillarde sur les eaux elle sort quelquefois,
    Et quelquefois cueillant des fleurs toute pensive,
    EIle en orne son sein, assise sur la rive.
    Maintenant elle semble une Nymphe des eaux,
    Maintenant des forests : et parmi...

  • Las ! cettui jour, pourquoi l'ai-je dû voir,
    Puisque ses yeux allaient ardre mon âme ?
    Doncques, Amour, faut-il que par ta flamme
    Soit transmué notre heur en désespoir !

    Si on savait d'aventure prévoir
    Ce que vient lors, plaints, poinctures et blâmes ;
    Si fraîche fleur évanouir son bâme
    Et que tel jour fait éclore tel soir ;

    Si on savait la...

  • Ô belle Nuit, tu es évanouie,
    Où sont logés tes chevaux furieux
    Qui brunissaient d'une haleine obscurcie
    Les monts, les vaux, les plaines et les cieux ?
    Las où es-tu, Ténèbre gracieux,
    Et vous Jupins qui souliez me conduire,
    Donnez secours à mon mal ennuyeux,
    Car sous votre ombre à son bien il aspire.

    Ô liberté trop chèrement vendue,
    Autre...

  • Une belle lingère, au son de mes soupirs
    Cruelle, allait taillant de linoupe une fraise.
    Je mourais de désir, elle était à son aise
    De m'ouïr soupirer et avaler mes cris.

    Je lui disais ainsi : " Lingère qui m'as pris,
    Lingère qui me fais du sein une fournaise,
    Éteins ce feu ardent belle, si tu l'apaise,
    Je te promets, mon coeur, de mon amour le...

  • L'amour, panique
    De la raison,
    Se communique
    Par le frisson.

    Laissez-moi dire,
    N'accordez rien.
    Si je soupire,
    Chantez, c'est bien.

    Si je demeure,
    Triste, à vos pieds,
    Et si je pleure,
    C'est bien, riez.

    Un homme semble
    Souvent trompeur.
    Mais si je tremble,
    Belle, ayez peur.