• Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
    Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
    Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
    La sève universelle affluer dans ses mains !

    Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
    Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
    Et goûter chaudement la joie et la douleur
    Qui font une buée humaine...

  • L'herbe est molle et profonde
    Sous les branches qui pendent,
    Lourdes de fruits et de fleurs blanches ;
    Lourde est la senteur enivrante,
    Et douce est l'ombre. On s'y étend ;
    Un sourd sommeil coule dans le sang.

    Et les branches s'abaissent et se penchent,
    Et vous caressent de longs frôlements,
    Vous caressent et vous soulèvent
    De la terre...

  • Délivre-moi, Seigneur, de cette mer profonde
    Où je vogue incertain, tire-moi dans ton port :
    Environne mon coeur de ton rempart plus fort,
    Et viens me défendant des soldats de ce monde :

    Envoie-moi ton esprit pour y faire la ronde,
    Afin qu'en pleine nuit on ne me fasse tort
    Autrement, Seigneur Dieu, je vois, je vois la mort
    Qui me tire vaincu sur...

  • Quand, du sein de la mer profonde,
    Comme un alcyon dans son nid,
    L'Ame bretonne vint au monde
    Dans son dur berceau de granit,
    C'était un soir, un soir d'automne,
    Sous un ciel bas, cerclé de fer,
    Et sur la pauvre Ame bretonne
    Pleurait le soir, chantait la mer.

  • Ô temps ! si l'on pouvait dans ton urne profonde
    Puiser des jours nouveaux comme on puise de l'onde,
    J'en voudrais bien encor !

    Je dirais à la vie : oh ! que ta fleur renaisse !
    Et je reposerais sur mon front la jeunesse,
    Cette couronne d'or !

  • C'est la nuit ; la nuit noire, assoupie et profonde.
    L'ombre immense élargit ses ailes sur le monde.
    Dans vos joyeux palais gardés par le canon,
    Dans vos lits de velours, de damas, de linon,
    Sous vos chauds couvre-pieds de martres zibelines,
    Sous le nuage blanc des molles mousselines,
    Derrière vos rideaux qui cachent sous leurs plis
    Toutes les voluptés...

  • Comme un qui s'est perdu dans la forest profonde
    Loing de chemin, d'orée et d'adresse, et de gens :
    Comme un qui en la mer grosse d'horribles vens,
    Se voit presque engloutir des grans vagues de l'onde :

    Comme un qui erre aux champs, lors que la nuict au monde
    Ravit toute clarté, j'avois perdu long temps
    Voye, route, et lumiere, et presque avec le sens,
    ...