• Le temps n'a point pâli ta souveraine image :
    Telle qu'un jour d'été, jadis, tu m'apparus,
    Debout, battant du linge au bord d'un sarcophage,
    Je te revois, fille aux bras nus.

    C'est dans une prairie où la chaleur frissonne,
    Où, comme un brasier vert, l'herbe s'incline au vent.
    Un platane robuste à la belle couronne
    T'abrite du soleil brûlant.
    ...

  • Celui ne suis-je point, divine chasseresse,
    Qui veneur effronté t'aperçut dedans l'eau,
    Comme tu te baignais avecques ton troupeau,
    Veneur rendu la proie à sa meute traîtresse.

    De chasser n'ai-je garde étant pris en la tresse
    D'un or qui plus me tient d'autant qu'il est plus beau,
    Mais je le voudrais bien, et Actéon nouveau
    Mourir tout d'une fois...

  • Le temps ne bouge point et jamais ne repose,
    La vie instable fuit et ne chemine pas,
    Fortune escrime et bat sans remuer les bras,
    Le monde nous dépêche et n'en savons la cause.

    L'ami avec l'ami se trompe à lèvre close,
    La chair sans le sentir consomme nos ébats,
    Languissant sans secours le coeur chet au trépas,
    Et la nuit à nos yeux effroyable s'...

  • Nous n'entrons point d'un pas plus avant en la vie
    Que nous n'entrions d'un pas plus avant en la mort,
    Nostre vivre n'est rien qu'une eternelle mort,
    Et plus croissent nos jours, plus decroit nostre vie :

    Quiconque aura vescu la moitié de sa vie,
    Aura pareillement la moitié de sa mort,
    Comme non usitee on deteste la mort
    Et la mort est commune...

  • Phylis, je ne suis plus des rimeurs de ce siècle
    Qui font pour un sonnet dix jours de cul de plomb
    Et qui sont obligés d'en venir aux noms propres
    Quand il leur faut rimer ou sur coiffe ou sur poil.

    Je n'affecte jamais rime riche ni pauvre
    De peur d'être contraint de suer comme un porc,
    Et hais plus que la mort ceux dont l'âme est si faible
    Que d'...

  • Ny voir flamber au point du jour les roses,
    Ny liz plantez sus le bord d'un ruisseau,
    Ny son de luth, ny ramage d'oyseau,
    Ny dedans l'or les gemmes bien encloses,

    Ny des Zephirs les gorgettes décloses,
    Ny sur la mer le ronfler d'un vaisseau,
    Ny bal de Nymphe au gazouillis de l'eau,
    Ny voir fleurir au printemps toutes choses,

    Ny camp armé de...

  • Enfin, l'Amour cruel à tel point m'a rangé
    Que ma triste dépouille en cendre est convertie,
    Et votre cruauté ne s'est onc amortie,
    Que mon coeur par le feu n'ait été saccagé.

    Au moins pour le loyer de m'avoir outragé,
    Faites ainsi que fit la reine de Carie,
    Non par amour comme elle, ains pleine de furie,
    Buvez le peu de cendre en quoi je suis...

  • Je ne refuse point qu'en si belle jeunesse
    De mille et mille amants vous soyez la maîtresse,
    Que vous n'aimiez partout, et que, sans perdre temps,
    Des plus douces faveurs ne les rendiez contents :
    La beauté florissante est trop soudain séchée
    Pour s'en ôter l'usage, et la tenir cachée.
    Mais je crève de rage et supporte au-dedans
    Des glaçons trop serrés...

  • Celui qui n'a point vu le printemps gracieux
    Quand il étale au ciel sa richesse prisée,
    Remplissant l'air d'odeurs, les herbes de rosée,
    Les coeurs d'affections, et de larmes les yeux :

    Celui qui n'a point vu par un temps furieux
    La tourmente cesser et la mer apaisée,
    Et qui ne sait quand l'âme est du corps divisée
    Comme on peut réjouir de la...

  • D'un tel vouloir le serf point ne désire
    La liberté, ou son port le navire,
    Comme j'attends, hélas, de jour en jour,
    De toi, Ami, le gracieux retour.
    Là j'avais mis le but de ma douleur,
    Qui finirait quand j'aurais ce bonheur
    De te revoir ; mais de la longue attente,
    Hélas, en vain mon désir se lamente.
    Cruel, cruel, qui te faisait promettre
    Ton...