• Quand je pouvais me plaindre en l'amoureux tourment,
    Donnant air à la flamme en ma poitrine enclose,
    Je vivais trop heureux ; las ! maintenant je n'ose
    Alléger ma douleur d'un soupir seulement.

    C'est me poursuivre, Amour, trop rigoureusement !
    J'aime, et je suis contraint de feindre une autre chose,
    Au fort de mes travaux je dis que je repose,
    Et montre...

  • Chaste soeur d'Apollon dont je suis éclairé
    Le jour comme la nuit, déité redoutable
    Que la force d'Amour a connue indomptable,
    Amour des autres dieux tant craint et révéré,

    Vois ce pauvre Actéon sans pitié dévoré
    Par ses propres pensers d'une rage incroyable,
    Pour avoir offensé d'erreur trop excusable,
    Si le feu de ta haine était plus modéré.
    ...

  • Je ne refuse point qu'en si belle jeunesse
    De mille et mille amants vous soyez la maîtresse,
    Que vous n'aimiez partout, et que, sans perdre temps,
    Des plus douces faveurs ne les rendiez contents :
    La beauté florissante est trop soudain séchée
    Pour s'en ôter l'usage, et la tenir cachée.
    Mais je crève de rage et supporte au-dedans
    Des glaçons trop serrés...

  • Sommeil, paisible fils de la Nuit solitaire,
    Père alme, nourricier de tous les animaux,
    Enchanteur gracieux, doux oubli de nos maux,
    Et des esprits blessés l'appareil salutaire :

    Dieu favorable à tous, pourquoi m'es-tu contraire ?
    Pourquoi suis-je tout seul rechargé de travaux,
    Or que l'humide nuit guide ses noirs chevaux,
    Et que chacun jouit de ta...

  • Ô Songe heureux et doux ! où fuis-tu si soudain,
    Laissant à ton départ mon âme désolée ?
    Ô douce vision, las ! où es-tu volée,
    Me rendant de tristesse et d'angoisse si plein ?

    Hélas ! Somme trompeur, que tu m'es inhumain !
    Que n'as-tu plus longtemps, ma paupière sillée ?
    Que n'avez-vous encore, ô vous, troupe étoilée,
    Empêché le soleil de commencer...

  • Arrête un peu, mon Coeur, où vas-tu si courant ?
    - Je vais trouver les yeux qui sain me peuvent rendre.
    - Je te prie, attends-moi. - Je ne te puis attendre,
    Je suis pressé du feu qui me va dévorant.

    - Il faut bien, ô mon coeur ! que tu sois ignorant,
    De ne pouvoir encor ta misère comprendre :
    Ces yeux d'un seul regard te réduiront en cendre :
    Ce sont...

  • De mes ans la fleur se déteint,
    J'ai l'oeil cave et pâle le teint,
    Ma prunelle est toute éblouie,
    De gris-blanc ma tête se peint,
    Et n'ai plus si bonne l'ouïe.

    Ma vigueur peu à peu se fond,
    Maint sillon replisse mon front,
    Le sang ne bout plus dans mes veines,
    Comme un trait mes beaux jours s'en vont,
    Me laissant faible entre les peines....

  • Un doux trait de vos yeux, ô ma fiere deesse !
    Beaux yeux, mon seul confort,
    Peut me remettre en vie et m'oster la tristesse
    Qui me tient à la mort.
    Tournez ces clairs soleils, et par leur vive flame
    Retardez mon trespas :
    Un regard me suffit : le voulez-vous, madame ?
    Non, vous ne voulez pas.
    Un mot de vostre bouche à mon dam trop aimable,
    Mais...

  • A pas lents et tardifs tout seul je me promène
    Et mesure en rêvant les plus sauvages lieux ;
    Et pour n'être aperçu, je choisis de mes yeux
    Les endroits non frayés d'aucune trace humaine.

    Je n'ai que ce rempart pour défendre ma peine,
    Et cacher mon désir aux esprits curieux
    Qui, voyant par dehors mes soupirs furieux,
    Jugent combien dedans ma flamme est...

  • Amour en même instant m'aiguillonne et m'arrête,
    M'assure et me fait peur, m'ard et me va glaçant,
    Me pourchasse et me fuit, me rend faible et puissant,
    Me fait victorieux et marche sur ma tête.

    Ores bas, ores haut, jouet de la tempête,
    Il va comme il lui plait mon navire élançant :
    Je pense être échappé quand je suis périssant,
    Et quand j'ai tout...