• La campagne était fraîche et tout ensoleillée ;
    Le souffle du matin passait les blés verts,
    Et je marchais dans l’herbe odorante et mouillée
    En récitant des vers.

    J’étais gai, bien portant, et libre au fond de l’âme ;
    J’avais enfin dompté mon douloureux amour,
    Et nul amer...

  •  

    Absurde et ridicule à force d’être rose,
    À force d’être blanche, à force de cheveux
    Blonds, ondés, crêpelés, à force d’avoir bleus
    Les yeux, saphirs trop vains de leur métempsycose.

    Absurde, puisqu’on n’en peut pas parler en prose,
    Ridicule, puisqu’on n’en a jamais vu deux,
    Sauf, peut-être, dans des keepsakes nuageux...
    Dépasser le réel ainsi...

  • Sébastien FaureLa Révolte:
    La Révolte...
  • La rue, en un remous de pas,
    De corps et d’épaules d’où sont tendus des bras
    Sauvagement ramifiés vers la folie,
    Semble passer volante,
    Et ses fureurs, au même instant, s’allient
    À des haines, à des appels, à des espoirs ;
    La rue en or,
    La rue en rouge, au fond des soirs.

    Toute la mort
    En des beffrois tonnants se lève ;...

  •  
    La rue, en un remous de pas,
    De corps et d’épaules d’où sont tendus des bras
    Sauvagement ramifiés vers la folie,
    Semble passer volante — et s’affilie
    À des haines, à des sanglots, à des espoirs :
    La rue en or,
    La rue en rouge, au fond des soirs.

    Toute la mort,
    En des beffrois...

  •  
    I

    La Rose dit un jour en pleurant : « Je m’ennuie !
    Mon beau temps est fini. L’homme a fait l’air impur,
    L’haleine des cités me dérobe l’azur
    Et le zéphyr m’apporte une âcre odeur de suie.

    « Plus de claires villas dans l’air libre, en pleins champs
    Partout des murs, partout de la pierre et de l’ombre,
    Partout un pavé dur qu’à flots pressés...

  • A quoi bon prolonger la lutte et la révolte ?
    Transmettre, sans scrupule, à d'autres combattants
    Un mot d'ordre menteur qui mène aux guet-apens ?
    Les laboureurs sont las de semer sans récolte.
    Ce monde peut mourir ! je suis prêt et j'attends...

    J'attends, j'attends encore... Ah ! suprême ironie !
    Le rêve du néant, même, est un faux espoir !
    Car...

  • Car les bois ont aussi leurs jours d'ennui hautain ;
    Et, las de tordre au vent leurs grands bras séculaires ;
    S'enveloppent alors d'immobiles colères ;
    Et leur mépris muet insulte leur destin.

    Ni chevreuils, ni ramiers chanteurs, ni sources claires.
    La forêt ne veut plus sourire au vieux matin,
    Et, refoulant la vie aux plaines du lointain,
    Semble...

  • Vers une ville au loin d'émeute et de tocsin,
    Où luit le couteau nu des guillotines,
    En tout-à-coup de fou désir, s'en va mon coeur.

    Les sourds tambours de tant de jours
    De rage tue et de tempête,
    Battent la charge dans les têtes.

    Le cadran vieux d'un beffroi noir
    Darde son disque au fond du soir,
    Contre un ciel d'étoiles rouges.

    ...