• Aux rayons de l’ardent soleil de thermidor,
    Sous le riche manteau de ses moissons, la plaine
    Semble assoupie, ainsi qu’une génisse pleine
    Que son labeur épuise et fait souffrir encor.

    Aucun oiseau dans l’air pesant ne prend l’essor ;
    Seuls, planent ça et là de blancs flocons de laine.
    Un zéphyre léger et doux comme une haleine
    Fait onduler les champs...

  • Les hommes sont aux champs et chaque maison vide,
    Muette et close aux feux étouffés du soleil,
    Sous le poids lourd d’un ciel à l’ardoise pareil,
    S’endort dans la torpeur de son ombre livide.

    Miroitement aigu dans ce calme de mort,
    La tuile qui reluit a des éclairs farouches
    Et sur le fumier vibre un tourbillon de mouches,
    Sous les traits acérés du...

  • Minuit. — La bise mord comme sur l’esplanade
    Du château d’Elseneur, pendant la promenade
    Que je fais, l’arme au bras, bizarre, dans mon coin.
    Je veille sur six cent trente bottes de foin.
    Telle est ma fonction à l’heure des doux rêves.
    Un petillement sourd de fusillades brèves
    Succède, par moments, au silence profond.
    Bon. Ce sont nos amis de là-bas...

  • Je regarde sortir les gamins de l’école.
    Tatoués d’encre, et gais, ils traînent en marchant
    Sur les trottoirs jaunis par le soleil couchant,
    Quelque livre en lambeaux qu’unit en vain la colle.

    A cloche-pied, avec des cris aigus, les grands
    Exécutent les pas d’une sauvage danse ;
    D’autres, les tout petits, abandonnent les rangs,
    Pour boire avec délice...

  • Ami, n’épuise pas ton flacon de genièvre :
    Quand on boit, le coup d’œil n’est pas sûr au tiré.
    Viens ! je sais les retraits où se tapit le lièvre,
    Viens ! J’entends les perdrix chanter dans le fourré.

    Les guêtres au mollet ! Boucle ta carnassière !
    Le gibier tiendra bien par ce temps chaud et clair.
    C’est l’heure où les vieux coqs flânent dans la bruyère,...

  • Dans la paisible rue où je passe souvent,
    Un jour d’hiver, devant la porte d’un couvent,
    Je vis avec fracas, s’arrêter des carrosses.
    Tous les chevaux portaient, ainsi que pour des noces,
    Une rose à l’oreille ; et les laquais poudrés
    Et superbes, tout droits sur leurs mollets cambrés,

    Se tenaient à côté des portières ouvertes
    D’où sortaient, de...

  • L’hiver qui vient, tardif et lent,
    Laisse encor les branches flétries
    Briller dans le soleil tremblant
    Sur les arbres des Tuileries.

    Dans le jardin comme autrefois
    Elle suit les vieilles allées,
    Que le souffle des premiers froids
    D’un frisson à peine a troublées.

    Elle tient son fils par la main,
    Ainsi qu’un jeune camarade ;
    L’enfant...

  • L’aïeul, tranquille à l’ombre, aime à lire un vieux livre,
    Quand le soleil du soir empourpre l’horizon ;
    L’active ménagère ordonne sa maison,
    Et se mire, en passant, dans les grands plats de cuivre ;

    Il faut aux bruns enfants que la chaleur enivre
    Des fruits qu’on se dispute assis sur le gazon ;
    Quand viennent les amis, dans la froide saison,
    Il leur...

  • Le soir, lorsque le vent qui souffle des prairies
    Emporte les parfums des luzernes fleuries,
    L’odeur des chênes verts et les senteurs des blés,
    Les cœurs les plus prudents se sont sentis troublés ;
    L’invincible besoin d’aimer qui nous tourmente
    Fait que les moins hardis désirent une amante ;
    Les corps tremblent, saisis de troubles inconnus.
    Les femmes...

  • Dans le ciel du couchant, délicat, tendre et clair,
    Une étoile faisait trembler sa douce flamme,
    Et tes yeux souriants et calmes avaient l’air
    De laisser transparaître et luire ta chère âme.

    Dans ton petit jardin nous marchions pas à pas,
    Et moi je savourais l’émotion profonde
    De sentir sur mon bras s’abandonner ton bras.
    Oh ! dis ! — nous croyais-tu...