Croyez qu’un vieillard cacochyme,
chargé de soixante et douze ans,
doit mettre, s’il a quelque sens,
son âme et son corps au régime.
Dieu fit la douce illusion
pour les heureux fous du bel âge ;
pour les vieux fous l’ambition,
et la retraite pour le sage.
Vous me direz qu’Anacréon,
que Chaulieu même, et Saint-Aulaire,
tiraient encor...
-
-
Si vous brillez à votre aurore,
quand je m’éteins à mon couchant ;
si dans votre fertile champ
tant de fleurs s’empressent d’éclore,
lorsque mon terrain languissant
est dégarni des dons de Flore ;
si votre voix jeune et sonore
prélude d’un ton si touchant,
quand je fredonne à peine encore
les restes d’un lugubre chant ;
si des graces... -
Aimable amant de Polymnie,
jouissez de cet âge heureux
des voluptés et du génie ;
abandonnez-vous à leurs feux :
ceux de mon âme appesantie
ne sont qu’une cendre amortie,
et je renonce à tous vos jeux.
La fleur de la saison passée
par d’autres fleurs est remplacée.
Une sultane avec dépit,
dans le vieux sérail délaissée,
voit la... -
Quien baga aplicaciones
Con su pan se lo coma.
(YRIARTE.)Brutus, te souvient-il, dis-moi,
Du temps où, las de ta livrée,
Tu vins, en veste déchirée,
Te joindre à ce bon peuple-roi
Fier de sa majesté sacrée
Et formé de gueux comme toi ?
Dans ce beau temps de république,
Boire et jurer fut ton emploi ;
... -
Si tu peux te résoudre à quitter ton logis,
Où l’or et l’outremer brillent sur les lambris,
Et laisser cette table avec ordre servie,
Viens, pourvu que l’amour ailleurs ne te convie,
Prendre un repas chez moi, demain, dernier janvier,
Dont le seul appétit sera le cuisinier.
Je te garde avec soin, mieux que mon patrimoine,
D’un vin exquis,... -
Ministre financier, que la France révère,
Que les heureux aînés ont appelé leur père,
Et qui, sachant que l’or pourrait nous pervertir,
Cherche de tous côtés des gens à convertir ;
Permets qu’émerveillé de tes talens sublimes,
Un enfant d’Apollon t’adresse quelques rimes.
Des Muses, il est vrai, tu ne fais pas grand cas,
Et la double colline a... -
Ô femmes, c’est pour vous que j’accorde ma lyre ;
Ô femmes, c’est pour vous qu’en mon brûlant délire,
D’un usage orgueilleux, bravant les vains efforts,
Je laisse enfin ma voix exprimer mes transports.
Assez et trop longtemps la honteuse ignorance
A jusqu’en vos vieux jours prolongé votre enfance ;
Assez et trop longtemps les hommes, égarés,
... -
Musa pedestris.Dans les plis d’un coteau j’étais assis à terre,
Le soleil inondant l’horizon solitaire,
Une brise des bois jouant dans mes cheveux,
Paix, lumière et chaleur, servi dans tous mes vœux ;
Mon jeune chien, quêtant parmi les sillons fauves.
Effeuillait à mes pieds les bleuets et les mauves,
Faisant lever... -
A la reine de Navarre, duchesse d'Alençon.
Par cette épître en style rude écrite,
Princesse illustre, ô reine Marguerite,
Puisque plus loin ne t'ont pu convoyer,
Humble salut te veulent envoyer,
Ceux qui pour toi ont dit mainte chanson,
Les rossignols de ton Parc d'Alençon.
Ô quelle joie ! ô quel plaisir nous vint
Quand jusqu'à nous la... -
Si Dieu m'a Christ pour chef donné,
Faut-il que je serve autre maître ?
S'il m'a le pain vif ordonné,
Faut-il du pain de mort repaître ?
S'il me veut sauver par sa dextre,
Faut-il en mon bras me fier ?
S'il est mon salut et mon être,
Point n'en faut d'autre édifier.
S'il est mon seul et sûr espoir,
Faut-il avoir autre espérance ?
S'il...