• C’est le gai rendez-vous des bêtes du bon Dieu,
    L’endroit frais et charmant, le coin béni, le lieu
    Cher aux petits oiseaux, aimé des libellules,
    Où dame abeille accourt en quittant ses cellules,
    Où le printemps se joue au pied des verts buissons,
    Où l’écho ne redit jamais que des chansons.
    Là le merle moqueur et la mésange bleue,
    Le bouvreuil, le linot...

  • Tes yeux ont la couleur de la source où tu bois.
    Les baisers que je prends sur tes lèvres pressées,
    Font le doux bruit de l’eau qui glisse dans les bois,
    Sur un lit de verdure et de feuilles froissées.

    Ta voix, vive et légère, est comme l’eau qui fuit.
    Elle chante comme elle, et comme elle soupire.
    Des sanglots de la source elle a gardé le bruit ;
    Le...

  • La poudre des astres brisés
    Roule encor par les étendues :
    Mais où vont le vent des baisers
    Et l’âme des amours perdues ?

    Comme des étoiles, nos cœurs
    Sont faits de lumière immortelle ;
    Ils se brisent aux chocs vainqueurs ;
    Mais leur poussière où donc va-t-elle ?

    Nous voyons couler notre sang
    Au bord de la nue enflammée,
    Dans le...

  • O belle, dont le corps semble un vivant poëme,
    Pourquoi m’ouvrir les bras, sans me dire : Je t’aime ?
    Même à l’heure d’amour, contre ton sein pâmé
    Tu ne me presses pas ainsi qu’un bien-aimé ;
    Tu ne dis pas le mot envié des dieux même ;
    Tu soupires : je meurs ; tu ne dis pas : Je t’aime !
    Et pourtant ton œil darde un feu délicieux.
    Tel un ange tombé qu’...

  • Pareil à ces men-hir qu’aiment les clairs de lune,
    Lanjuinais est un dur combattant ; la tribune
    Tressaille sous son poids impérieux ; Danton
    Estime les assauts de ce rude Breton
    Et les coups de bélier que lance cette tête ;
    La mêlée effrayante est sa vie et sa fête.
    Autour de lui, combat des Trente, tu renais
    Par les grands jours d’orage où parle...

  • Ne me reprochez pas, Mesdames, d’être épris
    Du chapeau printanier qu’on porte cette année ;
    Car je l’ai vu posé sur des cheveux chéris
    Et la tête que j’aime en est gaîment ornée.

    La tresse de bluets et de coquelicots,
    Qui retombe et se mêle avec la chevelure,
    Enguirlande si bien de ses tours inégaux
    La paille qui se gonfle en molle bosselure.

    ...

  • Elle allait me quitter ; c’était pour très-longtemps.
    Oh ! comme le cœur bat dans ces derniers instants.
    Les départs du matin font souffrir : on s’éveille
    De la nuit plein le cœur, quand l’aurore est vermeille,
    Quand l’azur rajeuni devient rose et lilas ;
    On a les yeux gonflés : on est pâle, on est las ;
    La maison prend un air de deuil ; toutes les choses...

  • Donnez la même tombe aux deux êtres aimés :
    Qu’ils soient dans l’inconnu côte à côte enfermés !
    Ramenez, s’il est loin, celui que l’autre pleure.
    Un seul amour demande une seule demeure ;
    Et c’est une souffrance à torturer un mort,
    De ne point reposer au lit où l’autre dort !
    La matière en révolte elle-même réclame ;
    Le corps aspire au corps ainsi que...

  • Fraîches, d’un rose vif et pâle tour à tour,
    Les heures du matin sont l’enfance du jour.
    Du ciel elles ont vu la ville, leur amie,
    Et donnent un baiser à la belle endormie.
    Faites de transparence et de virginité,
    Nul souffle impur ne touche à leur frêle beauté.
    Ces heures ont encor des souvenirs d’étoiles ;
    De la pensée obscure elles lèvent les voiles...

  • Le meurtrier cosaque avait pour lent supplice
    D’être avec la victime enseveli vivant :
    — Près Kharkov une vierge aux portes d’un couvent
    Fut tuée étant prête à vêtir le cilice.

    Sur la bière on a peint dans l’or le blanc calice ;
    Le jeune meurtrier pieds nus marche devant,
    Et les guerriers amis, graves en le suivant,
    Sentent leur cœur faiblir sans que...