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    LE crépuscule gris par ma vitre regarde ;
    Et, comme s’il avait le regret de finir
    Submergé par la nuit noire qui va venir,
    Le crépuscule gris à ma vitre s’attarde.

    Mon rideau se teint d’ombre et chaque objet se farde
    Et s’enveloppe lentement, sans se ternir,
    De ce jour ténébreux qu’on ne peut définir,
    Mais que l’œil, même en plein soleil,...

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    Ainsi qu’un malheureux, le corps frileux et gourd,
    Tâche de se chauffer en soufflant sur des braises,
    L’amer couchant d’octobre, au lointain du faubourg,
    A fait flamboyer ses fournaises.

    Dans les squelettes noirs des arbres nus et droits,
    Le vent du soir, tout bas, parle d’une voix rauque ;
    Un archipel d’îlots couleur de feu, mais froids,
    ...

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    C'était le soir, à l'heure où, s'étirant les bras,
    Le laboureur se dit : « Ma journée est finie ! »
    Une ombre sur les champs roulait son harmonie.
    Les chansons se mêlaient aux jurements ingrats.

    L'hirondelle penchée effleurait l'herbe grise ;
    La cigale dormait dans les blés mûrissants,
    Et, le long des chemins aux nocturnes passants,
    Les...

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    C’est un jour dont le soir a la beauté d’un songe,
    Tant l’air que l’on respire est pur en ces beaux lieux ;
    Et, sous le doigt levé du Temps silencieux,
    La lumière s’attarde et l’heure se prolonge...
    Gardes-en longuement la mémoire en tes yeux.

    Si la source a la voix de sa Nymphe limpide,
    Le frêne sous l’écorce étire son Sylvain :
    Un lent...

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    Dans Francfort-sur-le-Mein, la ville électorale,
    Près de la Judengasse et de la cathédrale,
    A l’angle d’un marché houleux comme une mer,
    Derrière un mur penchant qui s’adosse au Rœmer
    Et dont le plâtras noir, jadis peint à la fresque,
    Montre encore une Vierge en habit de moresque,
    Agonisa, trente ans, dans l’imbécillité,
    Un pauvre homme vaincu...

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    LE POÈTE.

    Ce qu’Orphée appelait « la vision des dieux »,
    Chaque âme, à l’âge d’or, l’entrevoit dans les cieux ;
    Chaque âme, en son exil, l’aime, l’espère et rêve,
    Sous les traits de Stella, de Béatrix ou d’Eve....
    Ah ! j’ai besoin de croire et j’ai besoin d’aimer !

    UNE VOIX MYSTÉRIEUSE.

    Aime et crois ; vers le...

  • Je ne puis résister à la mélancolie
    De la feuille qui tombe & du jour qui s’en va ;
    À ce moment, en moi quelque chose se plie,
    Quelque chose de fier qui souffrit & rêva.

    Cette feuille qui tombe & qu’à jamais oublie
    L’arbre, auquel tout à l’heure un souffle l’enleva,
    Ce jour déjà mourant qui lutte & s’humilie
    Comme un proscrit blessé...

  • N’avoir qu’une pensée et ne pouvoir la dire,
    Souffrir d’un mal unique et n’oser le montrer,
    Et sentir en son cœur les nœuds se resserrer,
    Et voir de devant soi l’espoir qui se retire !

    — Chaque jour vient plus lourd et plus vide s’en va ;
    Comme au soir, sur la plage, après la grande houle
    Le flot de ma jeunesse à petit bruit s’écoule ;
    Le ciel s’est...

  • Le char de Savitri par le silence noir
    Fait poudroyer de feu sa route solennelle.
    Au front de l’Imaüs l’Aube tente son aile
    Jusqu’au baiser du dieu pleine de nonchaloir.

    Savitri créateur, Soleil, vaincu du soir,
    A flot va s’épancher le jour de ta prunelle.
    Le brahmane t’implore et le lotus t’appelle,
    L’un pour le rayon d’or et l’autre pour l’espoir....

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    — Naïs, je ne vois plus la couleur de tes bagues...
    — Lydé, je ne vois plus les cygnes sur les vagues...
    — Naïs, n’entends-tu pas la flûte des bergers ?
    — Lydé, ne sens-tu pas l’odeur des orangers ?
    — D’où vient qu’en moi, Naïs, monte un frisson amer
    À regarder mourir le soleil sur la mer ?
    — D’où vient ainsi, Lydé, qu’en frémissant j’écoute
    Le...