•  
    I

    Le cloître dort sa mort aux bords de glauques eaux ;
    Ses piliers, ses arceaux, se confondent dans l’onde,
    Et quand le bourdon gronde en la nuit très profonde
    Seul l’airain élargit son frisson sur les flots.

    Tout est noir, tout étouffe, et tout parle de mort :
    L’oubli d’ouate molle enveloppe la vie ;
    Plus d’amour, plus d’orgueil, plus de...

  • Ecce dilecta mea !... manibus date lilia plenis !...
    Cantique des cantiques.
    Voici ma bien aimée !... au loin, sur les chemins,
    Devant elle effeuillez les lis à pleines mains !...

    Le dernier bruit du jour expire
    Au tintement de l'Angelus ;
    A l'ombre des rameaux touffus,
    L'oiseau...

  • Tu parlais du jardin où les roses claustrales
    Pour les bouquets d'autel fleurissaient doucement,
    Des nonnes dans l'enclos lumineux et dormant
    Cueillant des fruits au son des cloches vespérales ;

    Et moi je te voyais en un calme couvent
    T'asseoir, rigide et blanche, aux stalles des chapelles
    Et lever vers le ciel tes mains froides et belles
    Et...

  • Ils défilent au chant étouffé des sandales,
    Le chef bas, égrenant de massifs chapelets,
    Et le soir qui s'en vient, du sang de ses reflets
    Mordore la splendeur funéraire des dalles.

    Ils s'effacent soudain, comme en de noirs dédales,
    Au fond des corridors plein de pourpres relais
    Où de grands anges peints aux vitraux verdelets
    Interdisent l'entrée...

  • A pleine voix - midi s'exaltant au dehors
    Et les champs reposant - les nones sont chantées,
    Dans un balancement de phrases répétées
    Et hantantes, comme un rappel de grands remords.

    Et peu à peu les chants prennent de tels essors,
    Les antiennes sont sur de tels vols portées
    A travers l'ouragan des notes exaltées,
    Que tremblent les vitraux, au fond...

  • En automne, dans la douceur des mois pâlis,
    Quand les heures d'après-midi tissent leurs mailles,
    Au vestiaire, où les moines, en blancs surplis,
    Rentrent se dévêtir pour aller aux semailles,

    Les coules restent pendre à l'abandon. Leur plis
    Solennellement droits descendent des murailles,
    Comme des tuyaux d'orgue et des faisceaux de lys,
    Et les...

  • Le choeur, alors qu'il est sombre et dévotieux,
    Et qu'un recueillement sur les choses s'embrume,
    Conserve encor dans l'air que l'encens bleu parfume
    Comme un frisson épars des hymnes spacieux.

    La gravité des longs versets sentencieux
    Reste debout comme un marteau sur une enclume,
    Et l'antienne du jour, plus blanche que l'écume,
    Remue encor son aile...

  • Je rêve une existence en un cloître de fer,
    Brûlée au jeûne et sèche et râpée aux cilices,
    Où l'on abolirait, en de muets supplices,
    Par seule ardeur de l'âme, enfin, toute la chair.

    Sauvage horreur de soi si mornement sentie !
    Quand notre corps nous boude et que nos nerfs, la nuit,
    Jettent sur nos vouloirs leur cagoule d'ennui,
    Ou brusquement nous...

  • Dans un pesant repos d'après-midi vermeil,
    Les stalles en vieux chêne éteint sont alignées,
    Et le jour traversant les fenêtres ignées
    Etale, au fond du choeur, des nattes de soleil.

    Et les moines dans leurs coules toutes les mêmes,
    - Mêmes plis sur leur manche et mêmes sur leur froc,
    Même raideur et même attitude de roc -
    Sont là debout, muets,...