• Ainsi, ce chemin de nuage,
    Vous ne le prendrez point,
    D'où j'ai vu me sourire au loin
    Votre brillant mirage ?

    Le soir d'or sur les étangs bleus
    D'une étrange savane,
    Où pleut la fleur de frangipane,
    N'éblouira vos yeux ;

    Ni les feux de la luciole
    Dans cette épaisse nuit
    Que tout à coup perce l'ennui
    D'un tigre qui miaule.

  • Va ton chemin sans plus t'inquiéter !
    La route est droite et tu n'as qu'à monter,
    Portant d'ailleurs le seul trésor qui vaille,
    Et l'arme unique au cas d'une bataille,
    La pauvreté d'esprit et Dieu pour toi.

    Surtout il faut garder toute espérance.
    Qu'importe un peu de nuit et de souffrance ?
    La route est bonne et la mort est au bout.
    Oui, garde...

  • Ce soir je reprendrai mon chemin solitaire,
    Dans les champs où la nuit traîne son manteau bleu
    J'irai, respirant l'air que l'herbe en fleur embaume,
    Triste et pressant le pas comme ceux qui vont seuls ;
    Je verrai les hameaux s'endormir sous le chaume,
    Et les amants tresser leurs doigts sous les tilleuls,
    Et les femmes filer encore, et les aïeuls
    Rêver...

  • Ce soir, sur le chemin sonore du coteau,
    Nous menons en rêvant notre amour qui frissonne
    D'une obscure tiédeur sous le même manteau.
    Ô crépuscule amer de novembre ! L'automne
    Est soucieux comme un aïeul qu'on va quitter ;
    Son souffle large et fort sur la terre endormie
    Répand de solennels adieux. Las de monter,
    Bientôt nous suspendons nos pas, ô mon...

  • Amour, mon cher Amour, je te sais près de moi
    Avec ton beau visage.
    Si tu changes de nom, d'accent, de coeur et d'âge,
    Ton visage du moins ne me trompera pas.
    Les yeux de ton visage, Amour, ont près de moi
    La clarté patiente des étoiles.
    De la nuit, de la mer, des îles sans escales,
    Je ne crains rien si tu m'as reconnue.
    Mon Amour, de bien loin,...

  • Le vieux chemin creusé d'ornières ?
    Il a trop plu.
    Le vieux chemin de la Carrière,
    Celui du vieux moulin qui ne moud plus,
    Le chemin du Seigneur qui n'a plus de château,
    Le chemin du Bourreau,
    Le chemin de la malle-poste,
    Et ceux qui les croisaient, tous les chemins herbus,
    Tous les chemins pleins d'eau,
    Tous les chemins perdus...
    ...

  • Ne pas se rappeler en suivant ce chemin...
    Ne pas se rappeler... Je te donnais la main.
    Nos pas étaient semblables,
    Nos ombres s'accordaient devant nous sur le sable,
    Nous regardions très loin ou tout près, simplement.
    L'air sentait ce qu'il sent en ce moment.
    Le vent ne venait pas de l'Océan. De là
    Ni d'ailleurs. Pas de vent. Pas de nuage. Un pin...

  • Un seul coeur ? Impossible
    Si c'est par lui qu'on souffre et que l'on est heureux.
    On dit : coeur douloureux,
    Coeur torturé, coeur en lambeaux -
    Puis : joyeux et léger comme un oiseau des Iles,
    Un coeur si grand, si lourd, si gros
    Qu'il n'y a plus de place
    Pour rien d'autre que lui dans notre corps humain.
    Puis évadé, baigné d'une grâce divine ?...

  • Les dieux sont muets, et la vie est triste.
    Pour nous mordre au coeur, les crocs hérissés,
    Un noir lévrier nous suit à la piste.
    Sur les fronts pâlis, sous les yeux baissés,
    Dans les carrefours que la foule obstrue,
    Parmi les chansons, les bruits de la rue,
    Dans les yeux éteints, sur les fronts penchés,
    Je cherche et je trouve une angoisse affreuse,
    Un...

  • Pays, arrêté à mi-chemin
    entre la terre et les cieux,
    aux voix d'eau et d'airain,
    doux et dur, jeune et vieux,

    comme une offrande levée
    vers d'accueillantes mains :
    beau pays achevé,
    chaud comme le pain !