Je ne suis plus celui qui respirait la vie
De vos yeux, mon soleil, je ne suis qu'un vain corps.
Amour qui m'a frappé de ses traits les plus forts
Pour triompher de moi, a mon âme ravie.
Mon esprit erre en bas en la plaine obscurcie,
Et mon corps au tombeau croît le nombre des morts.
Ma vie sous l'horreur des meurtrissants efforts
Qui bourrellent...
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A mon plaisir vous faites feu et basme,
Parquoi souvent je m'étonne, madame,
Que vous n'avez quelque ami par amours :
Au diable l'un, qui fera ses clamours
Pour vous prier, quand serez vieille lame.
Or, en effet, je vous jure mon âme,
Que si j'étais jeune et gaillarde femme,
J'en aurais un devant qu'il fut trois jours
A mon plaisir.
Et... -
De nuit et jour faut être aventureux,
Qui d'amour veut avoir biens plantureux.
Quant est de moi, je n'eus onc crainte d'âme,
Fors seulement, en entrant chez ma Dame,
D'être aperçu des languards dangereux.
Un soir bien tard me firent si peureux
Qu'avis m'était qu'il était jour pour eux :
Mais si entrai-je, et n'en vint jamais blâme
De nuit et jour.... -
Tout à part soi est mélancolieux
Le tien servant, qui s'éloigne des lieux,
Là où l'on veut chanter, danser et rire :
Seul en sa chambre il va ses pleurs écrire,
Et n'est possible à lui de faire mieux.
Car quand il pleut, et le Soleil des Cieux
Ne reluit point, tout homme est soucieux,
Et toute bête en son creux se retire
Tout à part soi.
... -
Toutes les nuits je ne pense qu'en celle
Qui a le corps plus gent qu'une pucelle
De quatorze ans, sur le point d'enrager,
Et au dedans un coeur (pour abréger)
Autant joyeux qu'eut oncque damoiselle.
Elle a beau teint, un parler de bon zèle,
Et le tétin rond comme une groselle :
N'ai-je donc pas bien cause de songer
Toutes les nuits ?
... -
A mon désir, d'un fort singulier être
Nouveaux écrits on m'a fait apparaître,
Qui m'ont ravi, tant qu'il faut que par eux
Aie liesse ou ennui langoureux :
Pour l'un ou l'autre Amour si m'a fait naître.
C'est par un coeur que du mien j'ai fait maître,
Voyant en lui toutes vertus accroître :
Et ne crains, fors qu'il soit trop rigoureux
A mon désir.... -
Jusque à la mort Dame t'eusse clamée,
Mais un nouveau t'a si bien réclamée
Que tu ne veux qu'à son leurre venir :
Si ne peux-tu contre moi soutenir,
Pourquoi l'amour dût être consommée.
Car en tous lieux toujours t'ai estimée,
Et si on dit que je t'ai déprimée,
Je dis que non, et le veux maintenir
Jusque à la mort.
Dieu doint que pis tu... -
Celui ne suis-je point, divine chasseresse,
Qui veneur effronté t'aperçut dedans l'eau,
Comme tu te baignais avecques ton troupeau,
Veneur rendu la proie à sa meute traîtresse.
De chasser n'ai-je garde étant pris en la tresse
D'un or qui plus me tient d'autant qu'il est plus beau,
Mais je le voudrais bien, et Actéon nouveau
Mourir tout d'une fois... -
Celui qui boit, comme a chanté Nicandre,
De l'Aconite, il a l'esprit troublé,
Tout ce qu'il voit lui semble estre doublé,
Et sur ses yeux la nuit se vient espandre.
Celui qui boit de l'amour de Cassandre,
Qui par ses yeux au coeur est ecoulé,
Il perd raison, il devient afolé,
Cent fois le jour la Parque le vient prendre.
Mais la chaut vive,... -
Celui qui n'a point vu le printemps gracieux
Quand il étale au ciel sa richesse prisée,
Remplissant l'air d'odeurs, les herbes de rosée,
Les coeurs d'affections, et de larmes les yeux :
Celui qui n'a point vu par un temps furieux
La tourmente cesser et la mer apaisée,
Et qui ne sait quand l'âme est du corps divisée
Comme on peut réjouir de la...